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      QUYÊN

    ( ou « Une Histoire de l’amitié » )

    Kitty

     

     

    Quand l’été arrive avec le vent doux qui crée des vagues sur les épis dorés de riz, et quand la chaleur du soleil fait mûrir les fruits qui pendent lourds sur les branches des arbres fruitiers, vous entendez souvent le triste chant monosyllabique d’un petit oiseau : « Quôc ! Quôc ! »  C’est l’appel de l’oiseau Dô Quyên qui emporte éternellement avec lui la tristesse et qui cherche partout désespérément le cher ami qu’il a perdu. Si vous voulez écouter l’histoire, la voici :

     

    Il était une fois deux amis qui s’aimaient énormément, comme deux frères.

     

    Un jour l’un deux s’était marié. Il insistait pour que son ami vienne vivre avec lui dans sa nouvelle maison, car il ne voulait pas être séparé de son ami.  Mais sa jeune épouse n’aimait pas cela, et faisait tout pour démontrer que l’invité n’était pas le bienvenu dans sa maison..  Au début elle commença par suggérer que l’ami devait trouver une femme et fonder lui même une famille, car, elle disait « C’est tout simplement bien qu’on ait des enfants pour perpétuer la lignée de la famille, et remplir son devoir envers ses ancêtres ». Mais quand elle avait compris que celui-ci n’avait aucune intention de se marier, elle changea de tactique.  Elle ne donnait à son mari et à l’ami de celui-ci aucun repos, car elle réprimandait et battait les serviteurs tout au long de la journée pour tout et pour rien, et disait qu’ils étaient des bons à rien et qu’il était honteux que des jeunes gens en bonne santé se permettent de vivre aux dépens des autres comme des parasites. »  Souvent, elle faisait une scène à propos de rien et déclarait qu’elle était la plus misérable créature du monde ayant à travailler comme un forçat pour nourrir des « bouches inutiles ».  Il était évident que l’invité était parmi les « bouches inutiles ».  Au départ celui-ci se taisait, et endurait tout pour pouvoir rester auprès de son ami qu’il aimait plus que tout au monde. Mais à la fin, les choses se sont détériorées, et la vie dans la maison devenait tout simplement insupportable.

     

    Il décida de partir. Mais sachant que sûrement son ami allait le rechercher partout, il accrocha sa veste sur une branche dans la forêt, faisant croire qu’il était mort pour arrêter toute éventuelle recherche.

     

    Aussitôt qu’il sut que l’invité était parti, le mari partit à sa recherche.  Il courut et courut jusqu’à ce que, à l’entrée de la grande forêt il voie la veste de son ami accrochée sur l’arbre.  Il pleura amèrement longtemps et demanda aux gens si ceux-ci savaient où se trouvait son ami.  Le bûcheron dit que peut être il avait été emporté par le tigre bien féroce qui vivait au fond de la forêt.  Une vieille dame qui passait, dit que peut être il s’était noyé dans la rivière qui coulait en bas dans la vallée.  L’homme pleura de plus belle.

     

    « Hélas ! Mon ami bien aimé est mort ! », dit l’homme.

     

    « Nous ne pensons pas ainsi » murmura le buisson de bambou.

     

    « Il est mort et parti » dit l’homme aux oiseaux.

     

    « Nous ne pensons pas ainsi »  gazouillèrent les oiseaux.

     

    Et de nouveau, l’espoir resurgit en son cœur.  L’homme repartit à la recherche de son ami jusqu’à ce que ses pieds deviennent douloureux et se mettent à saigner, mais il continuait à marcher, appelant sans cesse « Quôc ! Quôc !  Où es-tu ? »  – Quôc était le nom de son ami.

     

    Finalement, épuisé, il s’adossa contre un rocher et s’endormit.  Il rêva de son ami, et tandis qu’il rêvait ainsi, la vie tout doucement se détacha de son corps. Mais son âme encore agitée, se transforma en un petit oiseau qui continuait à appeler « Quôc ! Quôc ! » jour et nuit.

     

    A la maison, sa femme pleurait énormément et s’inquiétait de l’absence de son mari.  Après quelque jours d’attente, elle n’en pouvait plus, et partit à sa recherche. Elle courut à l’aveuglette pendant plusieur jours, et finalement arriva à la grande forêt.  Elle ne savait plus où aller. Elle était très triste et avait très peur. Soudain elle entendit la voix de son mari appelant « Quôc ! Quôc !» , son cœur bondit de joie, elle courut vers l’endroit d’où venait le bruit, mais n’entendit qu’un bruissement d’ailes et ne vit qu’un petit oiseau s’envoler avec le triste appel monosyllabique « Quôc ! Quôc ! ».

     

    Elle chercha et chercha en vain, et à la fin complètement épuisée de corps et d’esprit elle s’adossa contre un arbre et s’endormit. Son cœur était si plein de tristesse et de regret qu’il éclata pendant son sommeil, tandis que l’oiseau Dô Quyên volait partout appelant désespérément « Quôc ! Quôc ! » et emportant avec lui l’éternelle tristesse de la perte de son ami.

     

     

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