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    L'histoire de Từ-Thức

      (ou "Le Royaume de la Félicité ")

     

    Kitty

     

     

     

     

    Chez nous quand un homme voit une femme particulièrement belle, il pourrait murmurer à son voisin : « Admire cette merveilleuse beauté. Peut être elle vient du royaume de la Félicité » il se refère à une histoire racontée longtemps auparavant par Từ-Thức qui a eu la chance de visiter ce pays des immortels ou le royaume de la Félicité, et qui l’a quité ensuite.

     

    Il était une fois, un jeune mandarin nommé Từ-Thức qui vivait, il y a plus de cinq mille ans déjà, sous le règne du roi Trần-Thuân-Tôn. Il était le chef du district Tiên-Du. Il était un illustre lettré et renommé érudit. Il possédait tellement de livres précieux dans sa bibliothèque, qu’il pouvait y trouver tout ce qu’il voulait savoir, sauf où se trouvait le Royaume de la Félicité. Et c’était exactement ce qu’il aurait voulu savoir le plus au monde.

     

    Quand il était petit garçon, on lui avait raconté que le Royaume de la Félicité était là où l’Empereur Chinois Đường-Minh-Hoàng était allé, par une nuit de pleine lune du 8ème mois, et en était revenu. Les gens qui y habitaient, avaient la complexion aussi douce qu’une peau de pêche et portaient des robes aux manches longues en forme d’ailes de papillons et aux couleurs chatoyantes de l’arc-en-ciel. Et là, on jouissait de l’éternelle jeunesse, on passait son temps au milieu de la musique, des dances, des chansons et des rires. L’Empereur Đường-Minh-Hoàng lui même avait apris la magnifique danse « Nghê-Thường », la danse qu’à son retour sur terre, ici-bas, il enseignait aux danseuses du palais royal, pour qu’elles l’exécutent pour lui quand il sirotait son vin parfumé sur sa terrasse au clair de lune.

     

    Từ-Thức languissait et rêvait  qu’un jour il pourrait visiter ce pays des merveilles.

     

    Un jour, Từ-Thức passa par hasard devant une pagode renommée pour ses glorieux pêchers. C’était pendant le festival des fleurs de l’année Binh-Ti, et les pêchers étaient en pleine floraison. Une jeune fille d’une beauté éclatante et à l’allure noble, courba une branche du pêcher pour admirer les fleurs, et la cassa. Les moines de la pagode ne l’autorisèrent pas à partir et exigèrent une amende, mais personne n’était venue pour la payer. Từ-Thức généreusement ôta son manteau en brocart, la présenta aux moines en guise de payement de l’amende pour la libérer. Tout le monde fit des éloges pour son geste courtois et généreux.

     

    Quelque temps après, las du cercle vicieux des honneurs et des intérêts terrestres, il démissionna de son poste de chef du district pour pouvoir partir en voyage, et visiter les montagnes bleues et les océans émeraude. Il se retira à Tong Son, un lieu-dit renommé pour ses nombreux cascades et ses magnifiques grottes.

     

    Tous les jours, suivi par son jeune serviteur qui portait sa gourde de vin, sa guitare et un livre de poèmes, il se promenait à travers monts et forêts, enjambant des ruisseaux aux eaux limpides et visitait la Montagne Rose, la grotte aux Nuages Bleus, la rivière Lai, et composait de beaux poèmes pour chanter leurs charmes à la fois magiques et grandioses. 

     

    Un jour, il se leva très tôt, et vit au large, un flocon de nuage aux cinq couleurs pastel qui scintillait, évoluait et se transformait en une énorme fleur de lotus par dessus la mer. Curieux, sans réveiller son jeune serviteur, il prit sa barque et rama vers le large et vit une superbe montagne flottante sur la mer. Il débarqua et grimpa sur ses flancs brumeux.

     

    Profondément touché par la beauté du paysage autour de lui, il improvisa une chanson:

     

    Sous les branches qui s’entrecroisent, scintillent des gouttes de soleil par milliers,

    Les fleurs timidement s’inclinent pour souhaiter la bienvenue au visiteur distingué,

    Sur la berge d’un ruisseau aux chants mélodieux,

    Deux libellules évoluent en leur dance amoureuse.

    Sur la rivière aux eaux limpides s’éloigne une barque solitaire,

    Par dessus les vagues ondulantes flottent les notes d’une guitare.

    Langoureusement la barque s’éloigne au gré du vent,

    Vers quelle contrée ?  Peu importe, car sa gourde est pleine de vin.

    Demanderais-je à Vo-Lang, le pêcheur renommé,

    Où se trouvent les chatoyants pêchers du royaume de la Félicité ?

     

    Soudain il vit une crevasse dans les rochers, et entendit des bruissements venant de l’intérieur. Il s’avança dans la crevasse, dans le noir, et vit une petite lueur lui affirmant qu’il y avait une issue. Ainsi, il s’avança de plus en plus dans la crevasse, par endroit il dut ramper sur ses mains et genoux, mais à la fin il se trouva dans une sorte de clairière éclairée par des flots de lumière qui filtraient à travers les feuillages des arbres et arbustes fleuris. L’air y était frais, pur et parfumé comme s’il provenait d’une vallée de roses et de jacinthes. Un ruisseau aux eaux cristalines coulait à ses pieds, où nageaient de petits poissons dorés, argentés ou rouges comme du rubis. De rayonnants lotus flottaient sur l’eau comme des lanternes. Un petit pont en marbre enjambant le ruisseau le conduisit à un magnifique jardin où de jeunes et très belles filles se cachaient et chantaient. Leurs voix étaient si éthérées et harmonieuses qu’aucune voix humaine ne pourrait se comparer.

     

    Une allée jonchée de pétales de fleurs le conduisit à un jardin fleuri, Từ-Thức n’avait jamais vu plus glorieux spectacle. De magnifiques oiseaux aux plumages chatoyants parmi des fleurs de toutes les couleurs, chantaient en chœur une douce mélodie. Sur la pelouse d’un vert tendre, un couple de paons dansaient leur parade nuptiale en déployant leurs roues. Tandis qu’autour du jeune Từ-Thức des pétales de fleurs continuaient à tomber comme des flocons de neige.

     

    Soudain, il se trouva de nouveau baigné dans un flot de lumière de soleil, doux et lumineux, et devant lui apparut un palais de marbre et de cristal richement décoré au milieu d’un cadre de verdure. Un groupe de belles jeunes filles aux cheveux de jais chatoyants arrivèrent à sa rencontre.

     

    – « Soyez le bienvenu beau futur marié », dit l’une d’elles, puis elles se retirèrent..

     

    « Pourquoi m’appellent-elles ‘futur marié’ ? » se demanda Từ-Thức. Il n’eut pas le temps de réfléchir, et déjà les jeunes demoiselles revenaient et s’inclinaient devant lui :

     

    – « Veuillez entrer, Votre Seigneurie » dirent-elles.

     

    Từ-Thức les suivit et entra dans un superbe hall, décoré de soie et de brocart, puis arriva devant la salle du trône aux décorations d’or et d’argent. Un air de musique légère flottait dans l’air, et le son d’une harpe se fit entendre encore plus mélodieux et plus doux à son approche. Une belle et majestueuse dame dans une robe couleur blanc neige était assise dans son trône richement sculpté, elle lui dit :

     

    – « Illustre lettré et amoureux des beaux paysages, savez-vous quel est ce lieu ? Et vous souvenez-vous d’une certaine rencontre sous les branches d’un pêcher ? »

     

    – « Il est vrai que j’ai visité beaucoup de montagnes bleues, et de denses forêts », répondit Từ-Thức,  « mais jamais je n’ai rêvé d’un endroit aussi merveilleux, digne du Royaume des Immortels.  Oh ! Noble Lady, daignez me renseigner où je suis en ce moment ? »

     

    La grande dame lui fit un sourire lumineux et dit :

     

    – «  Comment un homme du monde des Poussières Roses pourrait-il reconnaître ce lieu ? Vous êtes dans l’une des 36 grottes de la Montagne Phi-Lai qui flotte sur l’océan, et qui apparaît et disapparait au gré du vent. Je suis la Déesse-Reine Immortelle du sommet Nam-Nhac, et mon nom est Nguy.  Je sais que vous avez un brillant esprit et un noble cœur, et c’est avec le plus grand plaisir que je vous accueille ici aujourd’hui. »

     

    Puis elle fit signe aux jeunes filles qui se retirèrent toutes, et qui ensuite introduisirent une autre jeune fille timide dans la salle.  Từ-Thức risqua un discret coup d’œil et réalisa que c’était la belle inconnue qu’il avait rencontrée sous le pêcher pendant le festival des fleurs.

     

    – « Voici ma fille Giáng-Hương que vous avez sauvée un jour », dit la Déesse-Reine, « Je n’ai jamais oublié votre noble et généreux geste, et je l’autorise aujourd’hui à se marier avec vous pour vous payer sa dette de gratitude.

     

    Une grande fête fut préparée et le mariage fut célébré en grande pompe.

     

    Plusieurs jours heureux s’en suivirent au milieu des rires et dans le bonheur dans le Royaume de la Félicité. Le temps n’était ni trop chaud, ni trop froid, il était tout juste frais comme le printemps –  au fait, il était le printemps éternel. Dans le jardin, les branches étaient toujours chargées de fleurs, de magnifique fleurs. Il semblait qu’il n’y ait plus rien à quoi Từ-Thức puisse aspirer.

     

    Cependant, un jour, il se sentit nostalgique, et eut le mal du pays. Il exprima son désir de retourner dans son village natal, tout juste pour une courte visite. Giáng-Hương essaya de le dissuader, mais il continuait à se sentir triste et ne se réjouissait plus de la douce musique, ni du clair de lune argenté, ni des autres plaisirs célestes.

     

    La Déesse-Reine qui fut consultée, dit :

     

    – « Ainsi, il voudrait retourner au monde de labeur et de tristesse d’en-bas. Que son désir soit exaucé alors. Car à quoi cela lui servirait-il de le garder ici si son cœur est encore chargé de souvenirs terrestres ? »

     

    Giáng-Hương éclata en sanglots, et la séparation fut douloureuse. Từ-Thức reçut l’ordre de fermer les yeux pendant un moment. Quand il les rouvrit, il réalisa qu’il était de nouveau sur terre, dans un endroit qui lui était complètement étranger. Il demanda le chemin de son village et les gens lui répondirent qu’il y était déjà. Cependant, il ne sembla pas l’avoir reconnu. Au lieu d’une berge boueuse, et d’une barque pour transporter les gens à l’autre rive aux villages voisins, il vit un pont avec plein de gens le traversant dans les deux sens. Un marché d’apparence prospère se trouvait à la place du grand marécage qu’il avait connu.

     

    « Ou bien on m’a mal renseigné, ou sinon j’ai perdu la tête » se-dit Từ-Thức. « Mon Dieu, où est-ce que ce lieu pourrait bien être ? »

     

    Il revint sur ses pas, parfaitement convaincu que ce n’était pas son propre village. Il rencontra un vieillard sur son chemin.

     

    – « Excusez-moi, vénérable grand-père » dit-il au vieillard, « mon nom est Từ-Thức, et je cherche mon village natal Tiên-Du . Pourriez-vous me montrer le chemin ? »

     

    – « Từ-Thức ? Từ-Thức ? » Le vieil homme sembla chercher fort dans sa mémoire. « J’ai entendu dire qu’un de mes ancêtres, le chef du district Tiên-Du s’appelait ainsi. Un jour … il y a environ cent ans déjà, il démissionna de son poste, s’en alla vers une destination inconnue, et ne revint jamais. C’était vers la fin de la dynastie des Trân et nous sommes maintenant sous le règne du quatrième roi de la dynastie des Lê. »

     

    Từ-Thức lui raconta ses expériences miraculeuses. Il reconnut et se rendit compte  qu’il était resté dans le Royaume de la Félicité exactement cent jours.

     

    – « J’ai entendu dire qu’un jour dans le Royaume de la Félicité est équivalent d’un an ici-bàs, sur terre. Ainsi, vous êtes mon plus vénérable ancêtre Từ-Thức.  Je vous en prie, laissez moi vous conduire à votre ancienne demeure. »

     

    Le vieillard amena Từ-Thức à un endroit désolé, où il n’y avait rien en vue, sauf une misérable chaumière  complètement en ruine.

     

    Từ-Thức fut très malheureux et très déçu, car tous ceux qu’il avait connus étaient maintenant morts, et la nouvelle génération avait des manières et façons de vivre qui lui étaient complètement étrangères et qui le déconcertaient.

     

    Ainsi, peu de temps après, il s’en alla de nouveau dans les forêts bleues, à la recherche de son paradis perdu, mais l’avait-il retrouvé ou s’était-il égaré dans les montagnes ? – Personne ne savait.

     

    ***

     

     


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