• Tu-Nhi-Khanh, la femme d'un joueur

     

     

    Tu-Nhi-Khanh, la femme d'un joueur

     Kitty

     

     

    Il était une fois, un homme nommé Trong-Quy qui aimait tellement le jeu qu’il dilapidait tout son argent dans des paris et des jeux.  Il ne se souciait pas le moins du monde de ses parents, ni de sa femme ni de ses enfants.  La seule chose qui avait de l’importance à ses yeux était des paris et des jeux.  Il jouait jour et nuit. Et comme il y avait des « rois de lettres », les gens le nommait « le roi des joueurs ».

     

    Il appartenait à une famille de mandarins distingués, et son propre père, Phung-Lap-Ngon était un célèbre mandarin bien connu pour son intégrité et sa droiture.

     

    La femme de Trong-Quy, Tu-Nhi-Khanh, était la perle des épouses.  Elle était belle au delà de toute expression, vertueuse et de tempérament doux. Quand elle était encore une jeune fille, elle rêvait de se marier avec un illustre lettré, ayant plusieurs diplômes, mais elle obéissait à ses parents et s’était mariée avec Trong-Quy, qui se révéla en fin de compte un bon à rien.  Il vivait sans s’inquiéter de rien allant d’un salon de thé à un autre, buvant, jouant, et dilapidant beaucoup d’argent.

     

    Comme la plupart des garçons de mandarins, il avait obtenu un travail comme officiel de district, mais il était déchargé de sa position pour dettes et ivresse.  Maintenant il était sans emploi, insouciant, et il passait son temps avec un groupe de voyous qui cherchaient à le tromper, et à lui extirper le plus d’argent possible.

     

    Tu-Nhi-Khanh essayait de le dissuader de ces dangeureuses passions, mais en vain. Finalement elle se taisait et s’était résignée à son destin.

     

    Un jour le père de Trong Quy fut nommé Gouverneur de Nghê-An, une province pleine de pirates et de rebelles.  Le nouveau Gouverneur prit Trong-Quy avec lui et dit à sa belle-fille :

     

    « Ma chère fille, je pense que pour le moment, Nghê-An n’est pas une place sécurisée pour une jeune femme comme ma fille.  Mais je vais essayer d’y remettre de l’ordre et d’y rétablir la paix.  Dès que les choses s’arrangeront, j’enverrai te chercher. Pourrais-tu attendre un peu ici, jusqu’au jour où  nous nous reverrons ?»

     

    Tu-Nhi-Khanh s’en alla vivre avec sa tante; elle attendait et attendait, mais aucune nouvelle n’était arrivée de Nghê-An.

     

    Un jeune homme tomba passionnément amoureux d’elle, et la demanda en marriage, car il disait que s’il n’y avait pas de nouvelle de son mari, celui-ci devait être déjà mort. Et l’homme renouvelait de nouveau et de nouveau sa demande, mais elle lui refusait fermement à chaque fois.

     

    Pour mettre fin à ces demandes en mariage à répétition, elle décida d’envoyer une servante à Nghê-An chercher son mari et lui demander de revenir.

     

    « Plusieurs années ont passé depuis que mon seigneur est parti », dit-elle. « Je suis extrêmement inquiète pour lui, car dans un endroit plein de pirates et de rebelles comme Nghê-An, tout pourrait lui arriver et arriver à sa chère famille.  Tu sais qu’un homme cherche à me demander en mariage, mais je jure de n’aimer personne d’autre que mon mari, et de lui rester fidèle jusqu’à ce que la mort nous sépare. Je t’en prie, parle lui de mon fervent espoir que nous serions de nouveau réunis, et essaie de ton mieux de le persuader de revenir à la maison »

     

    Quand la vieille servante arriva à Nghê-An, on lui dit que le Governeur Phung était mort, et que son fils Trong-Quy avait dilapidé tous ses biens. C’était impossible pour elle de retrouver son maître, personne ne connaissait son adresse.

     

    Un jour qu’elle flânait dans le marché, elle l’aperçut par hasard. Elle le suivit jusqu’à sa misérable chaumière, lui donna le message de sa femme, et le persuada de revenir à la maison.

     

    « Comment puis-je revenir maintenant ? » dit-il à la servante « Je n’ai même pas de vêtements décents à me mettre sur le dos.  Attends jusqu’à ce que je gagne suffisamment d’argent pour acheter quelques vêtements convenables pour un fils de mandarin, et je retournerai avec toi. »

     

    La vieille servante lui mit dans la main un peu d’argent et dit :

     

    « Je vous en prie, ne vous inquiétez pas, Maître. La jeune maîtresse a pensé à cela, et m’a donné un peu d’argent pour vous, pour acheter le nécessaire. Je vous en prie, retournons à la maison, et je suis sûre que tout va s’arranger et  tout sera pardonné.

     

    C’était le grand bonheur quand Trong-Quy retrouva de nouveau sa femme.  Il jura de mener une vie nouvelle pour être digne de son amour et de sa fidélité.

     

    Mais malheureusement, il se mit de nouveau à jouer, car il était convaincu que c’était la manière la plus facile et la seule pour gagner beaucoup d’argent.  Il rencontra un autre compagnon de jeu, un riche commerçant du nom de Dô-Tâm.  Ce dernier était en realité attiré par la beauté de Tu-Nhi-Khanh et jurait qu’il allait l’avoir tôt ou tard. Il suivait Trong-Quy partout, et prétendait être son ami le plus dévoué.

     

    Un jour, Dô-Tâm lui offrit beaucoup de vin et le fit boire, puis mit sur la table une grande pile d’argent et proposa :

     

    « Cher ami, vous avez été chanceux ces derniers jours. Que penseriez-vous de faire un pari avec moi maintenant. Si vous gagnez, cette pile d’argent sera à vous, mais si je gagne, vous me devrez le double et laissez moi garder votre femme comme gage. »

     

    Trong-Quy était déjà un peu gris. Il regarda la pile d’argent avec des yeux avides et pensa : « Pourquoi pas ? J’ai été chanceux ces derniers temps, alors peut-être vais-je gagner cette fois.  Je jure que si je gagne cette fois-ci, je ne jouerai plus jamais de nouveau et je jure de mener une vie nouvelle pour faire plaisir à ma femme. Et si … ?? Dans le pire des cas, je travaillerai dur pour gagner de l’argent et récupérer ma femme. » 

     

    « Acceptons le pari » dit Trong-Quy à Dô-Tâm.

     

    Mais Dô-Tâm gagna et Trong-Quy ne pouvait rien faire d’autre que d’envoyer chercher sa femme.

     

    « J’ai fait un pari, et j’ai perdu », dit-il . « Je suis extrêmement désolé, mais je ne peux rien faire maintenant, sauf de vous demander de rester avec mon ami, jusqu’au jour où je gagnerai assez d’argent pour payer la dette et vous récupérer. »

     

    Tu-Nhi-Khanh fut horrifiée de la nouvelle.  Son visage était devenu aussi blanc qu’une feuille de papier, mais elle essaya de son mieux de dissimuler ses émotions et dit d’une voix docile:

     

    « Mon mari est mon Seigneur et Maître. Quoi qu’il ordonne, je dois lui obéir. Mais pourriez-vous me laisser retourner à la maison, dire adieu à mes enfants avant de vous suivre pour de bon ? »

     

    Dô-Tâm fut ravi de la voir si obéissante, et sans résistance. Il accepta la demande tout de suite.

     

    Tu-Nhi-Khanh retourna à la maison, embrassa ses enfants et leur dit adieu, sans verser une larme, puis se suicida.

     

    Le terrible choc ramena Trong-Quy à ses esprits. Il renonça aux jeux, et commença une vie nouvelle. Il travaillait dur jour et nuit, pour le bien de ses enfants qu’il avait négligés jusqu’ici. Avec le temps, le sacrifice de la femme dévouée avait transformé un mari indigne en un digne père qui donnait à ses enfants le meilleur que le monde puisse leur offrir.

     

                                                                                                        ***

     


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