• Le sang est plus épais que l’eau

     

     

    Le Sang est plus épais que l'eau

     

    (ou « La dévotion d’un frère »)

     

    Kitty

     

     

    Il était une fois, un homme qui était mort sans avoir fait de testament. Son fils aîné, Hai, s’empara de tous les biens de la famille, ne laissant à son frère cadet, Ba, qu’une misérable chaumière et une petite parcelle de terrain aride, incultivable.

     

    Ba passait presque tout son temps à labourer et travailler dur pour son frère aîné, et en retour celui-ci lui prêtait de temps en temps sa charrue et ses buffles pour labourer son petit morceau de terrain aride. Ainsi, les champs du frère aîné étaient de plus en plus verdoyants, tandis que le jeune frère vivait dans la mísère et mourait presque de faim, car son terrain aride ne produisait presque rien.

     

    Si le grand frère était injuste envers le jeune frère, il était, au contraire, très généreux envers ses propres amis. Il allait jusqu’à sortir de son chemin pour aller au devant de leurs désirs.

     

    Mais il se trouvait que Hai avait une femme qui avait un bon cœur, et qui n’approuvait pas du tout l’attitude de son mari.

     

    « Mon cher mari, » lui dit-elle « pourquoi êtes-vous plus gentil avec vos amis qu’avec votre propre frère ? Ne trouvez-vous pas que votre jeune frère mérite plus d’aide et de soutien ? »

     

    « Il est assez grand pour s’occuper de lui même » repondit son mari. « Et puis, si on l’aide, il ne pourra jamais être autonome, il va vivre aux dépens de nous, et ne saura jamais se débrouiller tout seul. Et en plus… », il ajouta, « mes amis sont des gens excellents qui me sont entièrement dévoués, et j’aime leur rendre la civilité et la générosité qu’ils ont témoignées à mon égard. »

     

    « Cependant, les frères sont du même sang » lui répondit sa femme doucement, « et ‘le sang est toujours plus épais que l’eau’, comme dit le proverbe. Je suis tout à fait convaincue qu’en cas d’urgence, vous trouverez chez votre propre frère dévotion, amour et de l’aide, alors que vos amis vous fuiront, ou même vous trahiront ».

     

    Mais Hai ne prêta pas d’importance aux arguments de sa femme, qu’il trouva complètement erronés.

     

    Un jour, Hai arriva à la maison et trouva sa femme en pleurs.

     

    « Que s’est-il passé ? » demanda Hai, affolé.

     

    « Hélas! Un grand malheur nous est tombé sur la tête », lui répondit sa femme dans un sanglot. « Pendant que vous étiez absent, un mendiant était venu voler les quelques vêtements que je faisais sécher sur la haie. J’ai couru après lui avec un baton en bambou, et je l’ai frappé. Il est tombé et sa tête a cogné sur un dur rocher, il est mort sur le coup. Je l’ai enroulé dans une natte, là-bas. Et maintenant je ne sais plus quoi faire. »

     

    Hai frissonait de peur. Sa femme ajouta :

     

    « Est-ce vrai que le magistrat est un de vos amis intimes ? Est-ce qu’il va croire que ce n’était qu’un simple accident ? et c’était bien un accident. S’il ne nous croit pas, nous serons jetés en prison, et complètement ruinés. Comme personne ne sais rien encore de cet accident, pourriez vous demander à un de vos amis de nous aider à l’enterrer dans le plus grand secret ? Vous avez été très généreux avec vos amis, sûrement ils ne vous trahiront pas. »

     

    Rassuré, Hai sortit rapidement de chez lui pour aller chercher de l’aide.  Il alla chez un des ses plus chers amis, frappa à la porte et fut reçu chaleureusement. Mais quand il eut raconté l’accident et lui demanda de l’aider, l’ami demanda à Hai de demander à un autre ami, expliquant que sa femme était absente, et qu’il devait rester à la maison pour veiller sur ses enfants.

     

    Hai alla chez un autre ami à lui.  L’ami le reçut cordialement, couvrit la table avec une nappe, et lui offrit une tasse de thé chaud, montrant de toute évidence que Hai était un invité bien apprécié.  Le cœur de Hai se remplit d’espoir, et Hai commença à relater l’incident. L’ami se montra de plus en plus mal à l’aise, et dit qu’il était lui même vieux et malade, et qu’il ne pouuvait pas manipuler de lourdes charges.  « Ne pourriez vous pas demander à un autre ami ? » lui dit enfin l’ami de Hai.

     

    Hai courut chez un autre ami, et trouva celui particulièrement ravi de le recevoir. « Que puis-je faire pour vous, frère ? » dit l’ami.  « Vous semblez très agité, je ferais n’importe quoi pour vous soulager. Dites moi de sauter dans le feu pour vous, et je le ferai sans hésitation, car vous savez bien que ma vie est à vous. »

     

    Hai laissa échapper un soupir de soulagement, pensant que son malheur allait se terminer ici, et qu’enfin il avait trouvé le vrai ami qu’il cherchait.  Mais quand Hai eut terminé son histoire et lui demanda de l’aide, l’ami se souvint soudain que sa mère était atteinte d’une maladie bizarre, et qu’il ne pouvait pas la laisser seule dans cet état. Mais qu’il sympathisait entièrement avec Hai, et qu’il aimerait du fond du cœur pouvoir l’aider.

     

    Hai frappa en vain aux autres portes. A la fin, complètement épuisé, il traina ses jambes jusqu’à la maison, moitié mort de peur et de désespoir. Mais sa femme lui  prépara un breuvage qui l’aida à reprendre un peu de force.  Elle lui dit « Il se fait déjà tard. Allez chez votre frère, et demandez-lui de venir nous aider. Dépêchez vous, nous n’avons plus beaucoup de temps. »

     

    Ba se montra lui même un frère très dévoué, et plein de tendresse, Il vint tout de suite aider son grand frère à enterrer le mendiant, et fit tout son possible pour lui remonter le moral.

     

    Mais quand les deux frères revinrent à la maison au petit matin, que virent-ils ? La maison était remplie d’amis de Hai qui avaient demandé au Magistrat de venir pour le punir.  Chacun pointait un doigt accusateur sur Hai et relatait des preuves alarmantes.  Le Magistrat dit d’une voix solennelle :

     

    « Vous avez commis un meurtre, et en plus, vous avez essayé de demander à ces hommes de devenir vos complices. Heureusement qu’ils sont des gens honnêtes, et qu’ils n’écoutent que leur conscience.  Amenez nous tout de suite à l’endroit où vous avez enterré le mendiant et que justice soit faite. »

     

    Ceci fut exécuté tout de suite.

     

     

    Mais la surprise fut grande quand, à la place du mendiant, ils trouvèrent simplement le corps d’un grand chien.

     

    La femme de Hai se prosterna par terre devant le juge, et dit :

     

    « Je savais que mon mari aimait ses amis beaucoup plus que son propre frère, j’ai longtemps cherché un moyen pour lui faire voir la raison. Hier, mon chien est mort, et tout de suite j’ai concocté mon histoire pour aider mon mari à connaitre qui sont ses vrais amis. Et voilà le résultat. Oh, Illustre et Vertueux Magistrat ! »

     

    On pourrait imaginer le soulagement de Hai qui se jeta dans les bras de son frère et qui pleurait de joie et d’émotion, tandis que ses amis, restaient debout là, abasourdis et déconfits.  Comment pourront-ils regarder Hai en face de nouveau, personne ne pourrait imaginer.

     

    ***

     

     

     

     

     

     

     


  • Commentaires

    1
    Jeudi 4 Mars 2010 à 19:23
    Continuez SVP !
    L'ancien conteur que je suis a pris un grand plaisir à vous lire. Continuez s'il vous plaît. Et le bonjour à Ikebana !
    Suivre le flux RSS des commentaires


    Ajouter un commentaire

    Nom / Pseudo :

    E-mail (facultatif) :

    Site Web (facultatif) :

    Commentaire :