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    NGUU-LANG  ET  CHUC-NU

    (ou « La Légende de la Voie Lactée »)

       Kitty

     

     

     

    En lisant un conte sur le Japon médiéval* (* ‘Tales of the Otori’ par Lian Hearn), je suis tombée un jour sur une anecdote parlant du festival des étoiles, le seul jour de l’année où la princesse dans le royaume des cieux était autorisée à revoir l’homme de son cœur sur le pont magique soutenu par des pies et des corneilles. Je me suis dit que les contes et légendes du monde entier se rejoignaient.

     

    Si vous regardez le ciel, par une nuit limpide, vous pouvez voir une large trainée blanchâtre à travers la voûte céleste, les occidentaux l’appelent la Voie Lactée. La légende de chez nous dit que c’est une rivière faite de poussières d’argent (Ngân-Hà) qui traverse le royame de l’Empereur de Jade Ngọc Hoàng Thượng Đế qui règne sur la Terre et les cieux, sur les hommes et les animaux et sur tous ceux qui vivent dans l’univers. L’Empereur de Jade était le suprême empereur de l’univers, aucun autre empereur ne lui était supérieur, et aucun autre empereur ne lui était égal.

     

    Si vous voulez écouter cette légende, la voici :

     

    Il était une fois, une belle princesse qui vivait dans le royaume des cieux. Elle s’appelait Chuc-Nu. Elle était la plus belle des filles de l’Empereur de Jade, et elle était la plus travailleuse et la plus adroite de ses mains. Dès l’aube, on la voyait déjà sur la terrasse du palais de son père ou dans le jardin céleste à l’ombre d’un flamboyant devant son métier à tisser. Et cliquetis, cliquetant la navette dansait sur le métier, tissant les fils chatoyants de l’arc-en-ciel pour produire la plus belle soie qu’on puisse imaginer et qui servait à habiller les fées, et les génies de la cour de son père. Tous les jours, du matin au soir, son métier mêlait son chant animé aux murmures des arbres et aux mélodies des chants d’oiseaux du jardin céleste. Des papillons, des libellules voletaient autour d’elle pour lui faire plaisir. Des lapins, des écureuils sortaient de leurs terriers pour venir la regarder, admirer sa beauté et son charme, et danser autour d’elle pour lui tenir compagnie.

     

    Et tous les jours, le berger Nguu-Lang, amenait les troupeaux de l’Empereur de Jade paître dans les prairies célestes. Il était sidéré devant la beauté de Chuc-Nu dans ce décor à la fois romanesque et divin. La princesse était tellement belle, belle au delà de toute expression. Le mouvement rythmique et grâcieux de ses mains qui faisaient danser la navette sur le métier ; le port majestueux de sa tête sur ses épaules frêles ; sa silhouette et ses courbures contre le ciel bleu ; tout le rendait fou. Le berger Nguu-Lang était tombé amoureux d’elle dès le premier regard. Il passait des heures et des heures à la contempler, perdu dans ses rêves et oubliant le temps qui s’écoulait, c’était seulement quand un veau ou un mouton sautait sur un nuage voyageur et ne pouvait plus redescendre sur la prairie céleste qu’il se ressaisissait pour intervenir. Souvent il faisait chanter sa flûte pour laisser échapper ses sentiments et pensées intimes. Ses chants éthérés et mélancoliques traduisaient fidèlement l’état de son âme et ses émotions. Car il était mélancolique, il se disait « je ne suis qu’un berger, elle est une princesse du royaume … ! »

     

    A la longue, Chuc-Nu finit par le remarquer car la musique du berger si douce semblait lui parler intimement et la touchait jusqu’au plus profond de son âme.  Un jour, elle lui sourit lorsque leurs regards se croisèrent, et ils échangèrent quelques mots. Il ne fallut pas longtemps pour qu’elle aussi tombe amoureuse de lui.  Car il était beau garçon, doté d’un esprit romanesque et subtil. Ils échangèrent leurs promesses d’amour.

     

    Au grand bonheur de Nguu-Lang, l’Empereur de Jade n’était pas soucieux des distinctions sociales, du moment que c’était le désir de sa fille et qu’elle était heureuse. Il leur accorda sa benédiction, sous la seule condition qu’ils continuent à bien travailler comme avant.  Il y eut une grande fête de plusieurs jours dans le royaume des cieux, avec beaucoup de joie, de musique et de danses. Nguu-Lang excella avec sa flûte, ses chansons firent vibrer le cœur de tous les êtres vivants du royaume.

     

    Après la lune de miel, les jeunes mariés avaient bien l’intention de se remettre sérieusement au travail. Mais le royaume céleste offrait de si magnifiques endroits ! Des prés fleuris à perte de vue pour se promener ; des ruisseaux aux eaux cristalines près desquels il était tellement agréable de s’asseoir, la main dans la main ; des forêts accueillantes à explorer ; une multitude de coins et de recoins dans des montagnes dotées de flocons de nuages pour se cacher et se murmurer des tendresses. Et c’était ainsi que nos jeunes mariés négligeaient et troupeaux et métier à tisser. Un an s’était déjà écoulé et pourtant, tous les matins, forêts, montagnes et ruisseaux les attiraient vers eux. Ils étaient, après tout, jeunes et amoureux, et les jardins célestes étaient leurs jardins secrets. Quel amoureux pourrait trouver à les blamer ?

     

    Cependant, l’Empereur de Jade ne connaissait rien des tendresses de l’Amour. Tout ce qu’il savait, c’était que ses troupeaux couraient partout dans le royaume, saccageant les parterres fleuris, mangeant les fleurs, et piétinant les jeunes herbes. Et que des araignées tissaient leurs toiles sur le métier et que les membres de sa cour attendaient en vain leurs habits.

     

    L’Empereur devint aussi sévère qu’il avait été gentil. Quand il comprit ce qui se passait, sa colère fut terrible à voir. D’un geste de sa main il coupa les prés de son royaume en deux par une rivière infranchissable de poussières d’argent. Puis il décréta que les jeunes mariés devraient vivre et travailler désormais de part et d’autre de la rivière. Nguu-Lang et Chuc-Nu se regardèrent désespérément de loin et pleurèrent tout doucement.

     

    Un an s’était déjà écoulé, mais leur amour l’un pour l’autre ne diminuait pas. Ils se languissaient l’un de l’autre mais ne pouvaient pas se revoir. Tous les jours, depuis qu’ils étaient séparés, Nguu-Lang faisait paître ses troupeaux au bord de la rivière d’argent, pour être ainsi un peu plus proche de sa bien aimée. Souvent il faisait chanter sa flute, espérant que sa musique pourrait être emportée loin par le vent et atteindre sa bien aimée. De son côté, tous les jours, Chuc-Nu installait son métier sur le bord de la rivière, ses mains faisaient danser automatiquement la navette mais son âme n’y était plus. Elle scrutait inlassablement l’autre rive. Mais la rivière était tellement large, leurs silhouettes apparaissaient à l’un et à l’autre pas plus grosses qu’une petite sauterelle.

     

    Cependant, de temps en temps une brise lui apportait le chant d’une flûte, Chuc-Nu reconnaissait que c’était la flûte de son bien aimé. La mélodie était très belle, mais très triste à faire pleurer même un cœur de lion. C’était pour Chuc-Nu un baume apaisant qui l’aidait à continuer à vivre au jour le jour. Les oiseaux et autres animaux du royaume céleste se désolaient pour eux, et même les arbres aussi, mais ils ne pouvaient rien faire.

     

    Un jour, l’Empereur de Jade était sur la terrasse de son palais. Il semblait perdu dans la comtemplation de sa rivière d’argent sous les reflets du soleil naissant. Il vit ainsi les jeunes amoureux de part et d’autre de la rivière. Soudain une triste mélodie de flûte lointaine lui parvint, il se ressaisit, écouta attentivement pendant un moment puis soupira :

     

    « Ces deux jeunes me font pitié. Mais hélas ! Je ne peux pas revenir sur mes décisions ! » 

     

    « Si ! Si ! Par pitié, Majesté !» s’empressa de crier une pie bavarde qui se trouvait par hasard sur l’arbre près de la terrasse, et qui avait entendu les exclamations de l’Empereur. « Nous ferons un pont enjambant la rivière. Laissez le jeune couple se revoir ! Nous, les pies, les corneilles et tous les passereaux, nous le ferons. Par pitié, Majesté ! »

     

    C’était le 7ème jour du 7ème mois de l’année lunaire, un an, jour pour jour, après leur séparation. 

     

    ***

     

    C’est ainsi, qu’une fois par an, au 7ème jour du 7ème mois de l’année lunaire (qui tombe vers la fin de l’été, et au début de l’automne, par rapport au calendrier solaire) Nguu Lang et Chuc-Nu sont autorisés à se revoir au milieu d’un pont magique enjambant la rivière d’argent soutenu par des pies et des corneilles. Il tombe toujours ce jours là, ici-bas, une pluie fine, la pluie Nguu. La légende dit que ce sont des larmes de joie et de tristesse des Nguu qui se retrouvent et qui doivent se séparer de nouveau.

     

    Et si par hasard, vous vous trouviez ce jour là à la campagne ici-bas, je vous assure que vous ne verrez nulle part l’ombre d’une pie ou d’un passereau. Ils se rendent tous à la rivière d’argent là-haut pour soutenir le pont magique qui permet aux malheureux amoureux Nguu de se retrouver.

     

     ***


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  • Dalat trăng mờ
    Hàn Mặc Tử
     
    Đây phút thiêng liêng đã khởi đầu,
    Trời mơ trong cảnh thật huyền mơ !
    Trăng sao đắm đuối trong sương nhạt
    Như đón từ xa một ý thơ.
     
    Ai hãy làm thinh chớ nói nhiều
    Đ
    ể nghe dưới đáy nước hồ reo
    Đ
    ể nghe tơ liễu run trong gió,
    Và để xem trời giải nghĩa yêu.
     
    Hàng thông lấp loáng đứng trong im
    Cành lá in như đã lặng chìm,
    Hư thực làm sao phân biệt được !
    Sông Ngân hà nổi giữa màng đêm.
     
    Cả trời say nhuộm một màu trăng
    Và cả trong tôi chẳng nói rằng,
    Không một tiếng gì nghe động chạm,
    Dẫu là tiếng vỡ của sao băng .
     
    ***

     
    Dalat misty moonlight
    Translation by Kitty
     

    The heavenly time has started
    The sky lost in dream in a misty landscape,
    Moon and stars sinking in the light mist,
    As if waiting for some far away melodic poem.

    Let's be silent, and do not speak,
    So as to listen to the tinkling of the lake water,
    To the murmur of the willows in the wind,
    And to listen the nature explain the meaning of love.
     
    The glittering pine range stood silent,
    Branches and leaves seemed lost in dream,
    Reality and illusion melted together,
    The Milky Way stood out on the inky sky.
     
    The entire universe sank in the milky moonlight,
    And so did my whole being, exhilarated,
    No rustling of any kind was heard,
    Not even the breaking sound of a shooting star.

    ***


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    L'histoire de Từ-Thức

      (ou "Le Royaume de la Félicité ")

     

    Kitty

     

     

     

     

    Chez nous quand un homme voit une femme particulièrement belle, il pourrait murmurer à son voisin : « Admire cette merveilleuse beauté. Peut être elle vient du royaume de la Félicité » il se refère à une histoire racontée longtemps auparavant par Từ-Thức qui a eu la chance de visiter ce pays des immortels ou le royaume de la Félicité, et qui l’a quité ensuite.

     

    Il était une fois, un jeune mandarin nommé Từ-Thức qui vivait, il y a plus de cinq mille ans déjà, sous le règne du roi Trần-Thuân-Tôn. Il était le chef du district Tiên-Du. Il était un illustre lettré et renommé érudit. Il possédait tellement de livres précieux dans sa bibliothèque, qu’il pouvait y trouver tout ce qu’il voulait savoir, sauf où se trouvait le Royaume de la Félicité. Et c’était exactement ce qu’il aurait voulu savoir le plus au monde.

     

    Quand il était petit garçon, on lui avait raconté que le Royaume de la Félicité était là où l’Empereur Chinois Đường-Minh-Hoàng était allé, par une nuit de pleine lune du 8ème mois, et en était revenu. Les gens qui y habitaient, avaient la complexion aussi douce qu’une peau de pêche et portaient des robes aux manches longues en forme d’ailes de papillons et aux couleurs chatoyantes de l’arc-en-ciel. Et là, on jouissait de l’éternelle jeunesse, on passait son temps au milieu de la musique, des dances, des chansons et des rires. L’Empereur Đường-Minh-Hoàng lui même avait apris la magnifique danse « Nghê-Thường », la danse qu’à son retour sur terre, ici-bas, il enseignait aux danseuses du palais royal, pour qu’elles l’exécutent pour lui quand il sirotait son vin parfumé sur sa terrasse au clair de lune.

     

    Từ-Thức languissait et rêvait  qu’un jour il pourrait visiter ce pays des merveilles.

     

    Un jour, Từ-Thức passa par hasard devant une pagode renommée pour ses glorieux pêchers. C’était pendant le festival des fleurs de l’année Binh-Ti, et les pêchers étaient en pleine floraison. Une jeune fille d’une beauté éclatante et à l’allure noble, courba une branche du pêcher pour admirer les fleurs, et la cassa. Les moines de la pagode ne l’autorisèrent pas à partir et exigèrent une amende, mais personne n’était venue pour la payer. Từ-Thức généreusement ôta son manteau en brocart, la présenta aux moines en guise de payement de l’amende pour la libérer. Tout le monde fit des éloges pour son geste courtois et généreux.

     

    Quelque temps après, las du cercle vicieux des honneurs et des intérêts terrestres, il démissionna de son poste de chef du district pour pouvoir partir en voyage, et visiter les montagnes bleues et les océans émeraude. Il se retira à Tong Son, un lieu-dit renommé pour ses nombreux cascades et ses magnifiques grottes.

     

    Tous les jours, suivi par son jeune serviteur qui portait sa gourde de vin, sa guitare et un livre de poèmes, il se promenait à travers monts et forêts, enjambant des ruisseaux aux eaux limpides et visitait la Montagne Rose, la grotte aux Nuages Bleus, la rivière Lai, et composait de beaux poèmes pour chanter leurs charmes à la fois magiques et grandioses. 

     

    Un jour, il se leva très tôt, et vit au large, un flocon de nuage aux cinq couleurs pastel qui scintillait, évoluait et se transformait en une énorme fleur de lotus par dessus la mer. Curieux, sans réveiller son jeune serviteur, il prit sa barque et rama vers le large et vit une superbe montagne flottante sur la mer. Il débarqua et grimpa sur ses flancs brumeux.

     

    Profondément touché par la beauté du paysage autour de lui, il improvisa une chanson:

     

    Sous les branches qui s’entrecroisent, scintillent des gouttes de soleil par milliers,

    Les fleurs timidement s’inclinent pour souhaiter la bienvenue au visiteur distingué,

    Sur la berge d’un ruisseau aux chants mélodieux,

    Deux libellules évoluent en leur dance amoureuse.

    Sur la rivière aux eaux limpides s’éloigne une barque solitaire,

    Par dessus les vagues ondulantes flottent les notes d’une guitare.

    Langoureusement la barque s’éloigne au gré du vent,

    Vers quelle contrée ?  Peu importe, car sa gourde est pleine de vin.

    Demanderais-je à Vo-Lang, le pêcheur renommé,

    Où se trouvent les chatoyants pêchers du royaume de la Félicité ?

     

    Soudain il vit une crevasse dans les rochers, et entendit des bruissements venant de l’intérieur. Il s’avança dans la crevasse, dans le noir, et vit une petite lueur lui affirmant qu’il y avait une issue. Ainsi, il s’avança de plus en plus dans la crevasse, par endroit il dut ramper sur ses mains et genoux, mais à la fin il se trouva dans une sorte de clairière éclairée par des flots de lumière qui filtraient à travers les feuillages des arbres et arbustes fleuris. L’air y était frais, pur et parfumé comme s’il provenait d’une vallée de roses et de jacinthes. Un ruisseau aux eaux cristalines coulait à ses pieds, où nageaient de petits poissons dorés, argentés ou rouges comme du rubis. De rayonnants lotus flottaient sur l’eau comme des lanternes. Un petit pont en marbre enjambant le ruisseau le conduisit à un magnifique jardin où de jeunes et très belles filles se cachaient et chantaient. Leurs voix étaient si éthérées et harmonieuses qu’aucune voix humaine ne pourrait se comparer.

     

    Une allée jonchée de pétales de fleurs le conduisit à un jardin fleuri, Từ-Thức n’avait jamais vu plus glorieux spectacle. De magnifiques oiseaux aux plumages chatoyants parmi des fleurs de toutes les couleurs, chantaient en chœur une douce mélodie. Sur la pelouse d’un vert tendre, un couple de paons dansaient leur parade nuptiale en déployant leurs roues. Tandis qu’autour du jeune Từ-Thức des pétales de fleurs continuaient à tomber comme des flocons de neige.

     

    Soudain, il se trouva de nouveau baigné dans un flot de lumière de soleil, doux et lumineux, et devant lui apparut un palais de marbre et de cristal richement décoré au milieu d’un cadre de verdure. Un groupe de belles jeunes filles aux cheveux de jais chatoyants arrivèrent à sa rencontre.

     

    – « Soyez le bienvenu beau futur marié », dit l’une d’elles, puis elles se retirèrent..

     

    « Pourquoi m’appellent-elles ‘futur marié’ ? » se demanda Từ-Thức. Il n’eut pas le temps de réfléchir, et déjà les jeunes demoiselles revenaient et s’inclinaient devant lui :

     

    – « Veuillez entrer, Votre Seigneurie » dirent-elles.

     

    Từ-Thức les suivit et entra dans un superbe hall, décoré de soie et de brocart, puis arriva devant la salle du trône aux décorations d’or et d’argent. Un air de musique légère flottait dans l’air, et le son d’une harpe se fit entendre encore plus mélodieux et plus doux à son approche. Une belle et majestueuse dame dans une robe couleur blanc neige était assise dans son trône richement sculpté, elle lui dit :

     

    – « Illustre lettré et amoureux des beaux paysages, savez-vous quel est ce lieu ? Et vous souvenez-vous d’une certaine rencontre sous les branches d’un pêcher ? »

     

    – « Il est vrai que j’ai visité beaucoup de montagnes bleues, et de denses forêts », répondit Từ-Thức,  « mais jamais je n’ai rêvé d’un endroit aussi merveilleux, digne du Royaume des Immortels.  Oh ! Noble Lady, daignez me renseigner où je suis en ce moment ? »

     

    La grande dame lui fit un sourire lumineux et dit :

     

    – «  Comment un homme du monde des Poussières Roses pourrait-il reconnaître ce lieu ? Vous êtes dans l’une des 36 grottes de la Montagne Phi-Lai qui flotte sur l’océan, et qui apparaît et disapparait au gré du vent. Je suis la Déesse-Reine Immortelle du sommet Nam-Nhac, et mon nom est Nguy.  Je sais que vous avez un brillant esprit et un noble cœur, et c’est avec le plus grand plaisir que je vous accueille ici aujourd’hui. »

     

    Puis elle fit signe aux jeunes filles qui se retirèrent toutes, et qui ensuite introduisirent une autre jeune fille timide dans la salle.  Từ-Thức risqua un discret coup d’œil et réalisa que c’était la belle inconnue qu’il avait rencontrée sous le pêcher pendant le festival des fleurs.

     

    – « Voici ma fille Giáng-Hương que vous avez sauvée un jour », dit la Déesse-Reine, « Je n’ai jamais oublié votre noble et généreux geste, et je l’autorise aujourd’hui à se marier avec vous pour vous payer sa dette de gratitude.

     

    Une grande fête fut préparée et le mariage fut célébré en grande pompe.

     

    Plusieurs jours heureux s’en suivirent au milieu des rires et dans le bonheur dans le Royaume de la Félicité. Le temps n’était ni trop chaud, ni trop froid, il était tout juste frais comme le printemps –  au fait, il était le printemps éternel. Dans le jardin, les branches étaient toujours chargées de fleurs, de magnifique fleurs. Il semblait qu’il n’y ait plus rien à quoi Từ-Thức puisse aspirer.

     

    Cependant, un jour, il se sentit nostalgique, et eut le mal du pays. Il exprima son désir de retourner dans son village natal, tout juste pour une courte visite. Giáng-Hương essaya de le dissuader, mais il continuait à se sentir triste et ne se réjouissait plus de la douce musique, ni du clair de lune argenté, ni des autres plaisirs célestes.

     

    La Déesse-Reine qui fut consultée, dit :

     

    – « Ainsi, il voudrait retourner au monde de labeur et de tristesse d’en-bas. Que son désir soit exaucé alors. Car à quoi cela lui servirait-il de le garder ici si son cœur est encore chargé de souvenirs terrestres ? »

     

    Giáng-Hương éclata en sanglots, et la séparation fut douloureuse. Từ-Thức reçut l’ordre de fermer les yeux pendant un moment. Quand il les rouvrit, il réalisa qu’il était de nouveau sur terre, dans un endroit qui lui était complètement étranger. Il demanda le chemin de son village et les gens lui répondirent qu’il y était déjà. Cependant, il ne sembla pas l’avoir reconnu. Au lieu d’une berge boueuse, et d’une barque pour transporter les gens à l’autre rive aux villages voisins, il vit un pont avec plein de gens le traversant dans les deux sens. Un marché d’apparence prospère se trouvait à la place du grand marécage qu’il avait connu.

     

    « Ou bien on m’a mal renseigné, ou sinon j’ai perdu la tête » se-dit Từ-Thức. « Mon Dieu, où est-ce que ce lieu pourrait bien être ? »

     

    Il revint sur ses pas, parfaitement convaincu que ce n’était pas son propre village. Il rencontra un vieillard sur son chemin.

     

    – « Excusez-moi, vénérable grand-père » dit-il au vieillard, « mon nom est Từ-Thức, et je cherche mon village natal Tiên-Du . Pourriez-vous me montrer le chemin ? »

     

    – « Từ-Thức ? Từ-Thức ? » Le vieil homme sembla chercher fort dans sa mémoire. « J’ai entendu dire qu’un de mes ancêtres, le chef du district Tiên-Du s’appelait ainsi. Un jour … il y a environ cent ans déjà, il démissionna de son poste, s’en alla vers une destination inconnue, et ne revint jamais. C’était vers la fin de la dynastie des Trân et nous sommes maintenant sous le règne du quatrième roi de la dynastie des Lê. »

     

    Từ-Thức lui raconta ses expériences miraculeuses. Il reconnut et se rendit compte  qu’il était resté dans le Royaume de la Félicité exactement cent jours.

     

    – « J’ai entendu dire qu’un jour dans le Royaume de la Félicité est équivalent d’un an ici-bàs, sur terre. Ainsi, vous êtes mon plus vénérable ancêtre Từ-Thức.  Je vous en prie, laissez moi vous conduire à votre ancienne demeure. »

     

    Le vieillard amena Từ-Thức à un endroit désolé, où il n’y avait rien en vue, sauf une misérable chaumière  complètement en ruine.

     

    Từ-Thức fut très malheureux et très déçu, car tous ceux qu’il avait connus étaient maintenant morts, et la nouvelle génération avait des manières et façons de vivre qui lui étaient complètement étrangères et qui le déconcertaient.

     

    Ainsi, peu de temps après, il s’en alla de nouveau dans les forêts bleues, à la recherche de son paradis perdu, mais l’avait-il retrouvé ou s’était-il égaré dans les montagnes ? – Personne ne savait.

     

    ***

     

     


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      QUYÊN

    ( ou « Une Histoire de l’amitié » )

    Kitty

     

     

    Quand l’été arrive avec le vent doux qui crée des vagues sur les épis dorés de riz, et quand la chaleur du soleil fait mûrir les fruits qui pendent lourds sur les branches des arbres fruitiers, vous entendez souvent le triste chant monosyllabique d’un petit oiseau : « Quôc ! Quôc ! »  C’est l’appel de l’oiseau Dô Quyên qui emporte éternellement avec lui la tristesse et qui cherche partout désespérément le cher ami qu’il a perdu. Si vous voulez écouter l’histoire, la voici :

     

    Il était une fois deux amis qui s’aimaient énormément, comme deux frères.

     

    Un jour l’un deux s’était marié. Il insistait pour que son ami vienne vivre avec lui dans sa nouvelle maison, car il ne voulait pas être séparé de son ami.  Mais sa jeune épouse n’aimait pas cela, et faisait tout pour démontrer que l’invité n’était pas le bienvenu dans sa maison..  Au début elle commença par suggérer que l’ami devait trouver une femme et fonder lui même une famille, car, elle disait « C’est tout simplement bien qu’on ait des enfants pour perpétuer la lignée de la famille, et remplir son devoir envers ses ancêtres ». Mais quand elle avait compris que celui-ci n’avait aucune intention de se marier, elle changea de tactique.  Elle ne donnait à son mari et à l’ami de celui-ci aucun repos, car elle réprimandait et battait les serviteurs tout au long de la journée pour tout et pour rien, et disait qu’ils étaient des bons à rien et qu’il était honteux que des jeunes gens en bonne santé se permettent de vivre aux dépens des autres comme des parasites. »  Souvent, elle faisait une scène à propos de rien et déclarait qu’elle était la plus misérable créature du monde ayant à travailler comme un forçat pour nourrir des « bouches inutiles ».  Il était évident que l’invité était parmi les « bouches inutiles ».  Au départ celui-ci se taisait, et endurait tout pour pouvoir rester auprès de son ami qu’il aimait plus que tout au monde. Mais à la fin, les choses se sont détériorées, et la vie dans la maison devenait tout simplement insupportable.

     

    Il décida de partir. Mais sachant que sûrement son ami allait le rechercher partout, il accrocha sa veste sur une branche dans la forêt, faisant croire qu’il était mort pour arrêter toute éventuelle recherche.

     

    Aussitôt qu’il sut que l’invité était parti, le mari partit à sa recherche.  Il courut et courut jusqu’à ce que, à l’entrée de la grande forêt il voie la veste de son ami accrochée sur l’arbre.  Il pleura amèrement longtemps et demanda aux gens si ceux-ci savaient où se trouvait son ami.  Le bûcheron dit que peut être il avait été emporté par le tigre bien féroce qui vivait au fond de la forêt.  Une vieille dame qui passait, dit que peut être il s’était noyé dans la rivière qui coulait en bas dans la vallée.  L’homme pleura de plus belle.

     

    « Hélas ! Mon ami bien aimé est mort ! », dit l’homme.

     

    « Nous ne pensons pas ainsi » murmura le buisson de bambou.

     

    « Il est mort et parti » dit l’homme aux oiseaux.

     

    « Nous ne pensons pas ainsi »  gazouillèrent les oiseaux.

     

    Et de nouveau, l’espoir resurgit en son cœur.  L’homme repartit à la recherche de son ami jusqu’à ce que ses pieds deviennent douloureux et se mettent à saigner, mais il continuait à marcher, appelant sans cesse « Quôc ! Quôc !  Où es-tu ? »  – Quôc était le nom de son ami.

     

    Finalement, épuisé, il s’adossa contre un rocher et s’endormit.  Il rêva de son ami, et tandis qu’il rêvait ainsi, la vie tout doucement se détacha de son corps. Mais son âme encore agitée, se transforma en un petit oiseau qui continuait à appeler « Quôc ! Quôc ! » jour et nuit.

     

    A la maison, sa femme pleurait énormément et s’inquiétait de l’absence de son mari.  Après quelque jours d’attente, elle n’en pouvait plus, et partit à sa recherche. Elle courut à l’aveuglette pendant plusieur jours, et finalement arriva à la grande forêt.  Elle ne savait plus où aller. Elle était très triste et avait très peur. Soudain elle entendit la voix de son mari appelant « Quôc ! Quôc !» , son cœur bondit de joie, elle courut vers l’endroit d’où venait le bruit, mais n’entendit qu’un bruissement d’ailes et ne vit qu’un petit oiseau s’envoler avec le triste appel monosyllabique « Quôc ! Quôc ! ».

     

    Elle chercha et chercha en vain, et à la fin complètement épuisée de corps et d’esprit elle s’adossa contre un arbre et s’endormit. Son cœur était si plein de tristesse et de regret qu’il éclata pendant son sommeil, tandis que l’oiseau Dô Quyên volait partout appelant désespérément « Quôc ! Quôc ! » et emportant avec lui l’éternelle tristesse de la perte de son ami.

     

     

    ***

     


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