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    Tu-Nhi-Khanh, la femme d'un joueur

     Kitty

     

     

    Il était une fois, un homme nommé Trong-Quy qui aimait tellement le jeu qu’il dilapidait tout son argent dans des paris et des jeux.  Il ne se souciait pas le moins du monde de ses parents, ni de sa femme ni de ses enfants.  La seule chose qui avait de l’importance à ses yeux était des paris et des jeux.  Il jouait jour et nuit. Et comme il y avait des « rois de lettres », les gens le nommait « le roi des joueurs ».

     

    Il appartenait à une famille de mandarins distingués, et son propre père, Phung-Lap-Ngon était un célèbre mandarin bien connu pour son intégrité et sa droiture.

     

    La femme de Trong-Quy, Tu-Nhi-Khanh, était la perle des épouses.  Elle était belle au delà de toute expression, vertueuse et de tempérament doux. Quand elle était encore une jeune fille, elle rêvait de se marier avec un illustre lettré, ayant plusieurs diplômes, mais elle obéissait à ses parents et s’était mariée avec Trong-Quy, qui se révéla en fin de compte un bon à rien.  Il vivait sans s’inquiéter de rien allant d’un salon de thé à un autre, buvant, jouant, et dilapidant beaucoup d’argent.

     

    Comme la plupart des garçons de mandarins, il avait obtenu un travail comme officiel de district, mais il était déchargé de sa position pour dettes et ivresse.  Maintenant il était sans emploi, insouciant, et il passait son temps avec un groupe de voyous qui cherchaient à le tromper, et à lui extirper le plus d’argent possible.

     

    Tu-Nhi-Khanh essayait de le dissuader de ces dangeureuses passions, mais en vain. Finalement elle se taisait et s’était résignée à son destin.

     

    Un jour le père de Trong Quy fut nommé Gouverneur de Nghê-An, une province pleine de pirates et de rebelles.  Le nouveau Gouverneur prit Trong-Quy avec lui et dit à sa belle-fille :

     

    « Ma chère fille, je pense que pour le moment, Nghê-An n’est pas une place sécurisée pour une jeune femme comme ma fille.  Mais je vais essayer d’y remettre de l’ordre et d’y rétablir la paix.  Dès que les choses s’arrangeront, j’enverrai te chercher. Pourrais-tu attendre un peu ici, jusqu’au jour où  nous nous reverrons ?»

     

    Tu-Nhi-Khanh s’en alla vivre avec sa tante; elle attendait et attendait, mais aucune nouvelle n’était arrivée de Nghê-An.

     

    Un jeune homme tomba passionnément amoureux d’elle, et la demanda en marriage, car il disait que s’il n’y avait pas de nouvelle de son mari, celui-ci devait être déjà mort. Et l’homme renouvelait de nouveau et de nouveau sa demande, mais elle lui refusait fermement à chaque fois.

     

    Pour mettre fin à ces demandes en mariage à répétition, elle décida d’envoyer une servante à Nghê-An chercher son mari et lui demander de revenir.

     

    « Plusieurs années ont passé depuis que mon seigneur est parti », dit-elle. « Je suis extrêmement inquiète pour lui, car dans un endroit plein de pirates et de rebelles comme Nghê-An, tout pourrait lui arriver et arriver à sa chère famille.  Tu sais qu’un homme cherche à me demander en mariage, mais je jure de n’aimer personne d’autre que mon mari, et de lui rester fidèle jusqu’à ce que la mort nous sépare. Je t’en prie, parle lui de mon fervent espoir que nous serions de nouveau réunis, et essaie de ton mieux de le persuader de revenir à la maison »

     

    Quand la vieille servante arriva à Nghê-An, on lui dit que le Governeur Phung était mort, et que son fils Trong-Quy avait dilapidé tous ses biens. C’était impossible pour elle de retrouver son maître, personne ne connaissait son adresse.

     

    Un jour qu’elle flânait dans le marché, elle l’aperçut par hasard. Elle le suivit jusqu’à sa misérable chaumière, lui donna le message de sa femme, et le persuada de revenir à la maison.

     

    « Comment puis-je revenir maintenant ? » dit-il à la servante « Je n’ai même pas de vêtements décents à me mettre sur le dos.  Attends jusqu’à ce que je gagne suffisamment d’argent pour acheter quelques vêtements convenables pour un fils de mandarin, et je retournerai avec toi. »

     

    La vieille servante lui mit dans la main un peu d’argent et dit :

     

    « Je vous en prie, ne vous inquiétez pas, Maître. La jeune maîtresse a pensé à cela, et m’a donné un peu d’argent pour vous, pour acheter le nécessaire. Je vous en prie, retournons à la maison, et je suis sûre que tout va s’arranger et  tout sera pardonné.

     

    C’était le grand bonheur quand Trong-Quy retrouva de nouveau sa femme.  Il jura de mener une vie nouvelle pour être digne de son amour et de sa fidélité.

     

    Mais malheureusement, il se mit de nouveau à jouer, car il était convaincu que c’était la manière la plus facile et la seule pour gagner beaucoup d’argent.  Il rencontra un autre compagnon de jeu, un riche commerçant du nom de Dô-Tâm.  Ce dernier était en realité attiré par la beauté de Tu-Nhi-Khanh et jurait qu’il allait l’avoir tôt ou tard. Il suivait Trong-Quy partout, et prétendait être son ami le plus dévoué.

     

    Un jour, Dô-Tâm lui offrit beaucoup de vin et le fit boire, puis mit sur la table une grande pile d’argent et proposa :

     

    « Cher ami, vous avez été chanceux ces derniers jours. Que penseriez-vous de faire un pari avec moi maintenant. Si vous gagnez, cette pile d’argent sera à vous, mais si je gagne, vous me devrez le double et laissez moi garder votre femme comme gage. »

     

    Trong-Quy était déjà un peu gris. Il regarda la pile d’argent avec des yeux avides et pensa : « Pourquoi pas ? J’ai été chanceux ces derniers temps, alors peut-être vais-je gagner cette fois.  Je jure que si je gagne cette fois-ci, je ne jouerai plus jamais de nouveau et je jure de mener une vie nouvelle pour faire plaisir à ma femme. Et si … ?? Dans le pire des cas, je travaillerai dur pour gagner de l’argent et récupérer ma femme. » 

     

    « Acceptons le pari » dit Trong-Quy à Dô-Tâm.

     

    Mais Dô-Tâm gagna et Trong-Quy ne pouvait rien faire d’autre que d’envoyer chercher sa femme.

     

    « J’ai fait un pari, et j’ai perdu », dit-il . « Je suis extrêmement désolé, mais je ne peux rien faire maintenant, sauf de vous demander de rester avec mon ami, jusqu’au jour où je gagnerai assez d’argent pour payer la dette et vous récupérer. »

     

    Tu-Nhi-Khanh fut horrifiée de la nouvelle.  Son visage était devenu aussi blanc qu’une feuille de papier, mais elle essaya de son mieux de dissimuler ses émotions et dit d’une voix docile:

     

    « Mon mari est mon Seigneur et Maître. Quoi qu’il ordonne, je dois lui obéir. Mais pourriez-vous me laisser retourner à la maison, dire adieu à mes enfants avant de vous suivre pour de bon ? »

     

    Dô-Tâm fut ravi de la voir si obéissante, et sans résistance. Il accepta la demande tout de suite.

     

    Tu-Nhi-Khanh retourna à la maison, embrassa ses enfants et leur dit adieu, sans verser une larme, puis se suicida.

     

    Le terrible choc ramena Trong-Quy à ses esprits. Il renonça aux jeux, et commença une vie nouvelle. Il travaillait dur jour et nuit, pour le bien de ses enfants qu’il avait négligés jusqu’ici. Avec le temps, le sacrifice de la femme dévouée avait transformé un mari indigne en un digne père qui donnait à ses enfants le meilleur que le monde puisse leur offrir.

     

                                                                                                        ***

     


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  • Ru em từng ngón xuân nồng

    Trịnh Công Sơn

    Ru mãi ngàn năm
    Dòng tóc em buồn
    Bàn tay em năm ngón
    Ru trên ngàn năm
    Trên mùa lá xanh
    Ngón tay em gầy
    Nên mãi ru thêm ngàn năm

     

    Thôi ngủ đi em
    Mưa ru em ngủ
    Tay em kết nụ
    Nuôi trọn một đời
    Nuôi một đời người
    Mùa xuân vừa đến
    Xin mãi ăn năn mà thôi

    Ru mãi ngàn năm
    Từng ngón xuân nồng
    Bàn tay em năm ngón
    Anh ru ngàn năm
    Giận hờn sẽ quên
    Dáng em trôi dài
    Trôi mãi trôi trên ngàn năm

    Ru mãi ngàn năm
    Từng phiến môi mềm
    Bàn tay em trau chuốt
    Thêm cho ngàn năm
    Cho vừa nhớ nhung
    Có em dỗi hờn
    Nên mãi ru thêm ngàn năm

    Thôi ngủ đi em
    Mưa ru em ngủ
    Tay em kết nụ
    Nuôi trọn một đời
    Nuôi một đời người
    Mùa xuân vừa đến
    Xin mãi ăn năn mà thôi

    Ru mãi ngàn năm
    Vừa má em hồng
    Bàn tay đưa anh đến
    Quê hương vàng son
    Vào trời lãng quên
    Tóc em như trời xưa
    Đã qua đi ngàn năm

    Còn lời ru mãi
    Vang vọng một trời
    Mùa xanh lá vội
    Ru em miệt mài
    Còn lời ru mãi
    Còn lời ru này
    Ngàn năm ru hoài
    Ngàn đời ru ai.

    ***

     

    Je chante tes doigts ardents 

    Translation by Kitty

     

    Je chante pour te bercer mille ans durant

    Je chante le flot de tes cheveux langoureux

    Je chante tes doigts menus

    Sur tes cheveux juvéniles

    Je te chante mille ans durant

    Je chante tes doigts frêles

    Et je te chanterai encore mille ans durant.

     

    Dors, mon amour,

    La pluie te berce.

    Je chante tes poings fermés

    Comme un bouton de fleur.

    La sève de ma vie,

    La sève de toute une vie humaine.

    Le printemps à peine arrivé,

    Des regrets envahissent mon âme.

     

    Je chante pour te bercer mille ans durant

    Je chante tes doigts ardents

    Je chante tes mains menues

    Je te chante mille ans durant,

    Oubliées les rancunes

    Ton image part à la dérive

    A la dérive encore mille ans durant

     

    Je te chante mille ans durant

    Je chante tes lèvres tendres

    Je chante tes mains soignées

    Qui font languir mon cœur peiné

    Je chante ton image boudeuse

    Je te chanterai encore mille ans durant

     

    Dors, mon amour !

    La pluie te berce

    Tes poings fermés comme un bouton de fleur,

    La sève de ma vie

    La sève de toute une vie humaine

    Le printemps à peine arrivé

    Des regrets envahissent mon âme.

     

    Je te chante mille ans durant

    Je chante tes joues rosies

    Je chante tes mains frêles

    Qui m’ont amené vers une contrée luxuriante,

    Vers un horizon de l’oubli

    Tes cheveux évoquent un ciel de jadis

    Il y a déjà  plus de mille ans.

     

    Seules demeurent les paroles de ma berceuse,

    Qui résonnent dans ce coin de ciel

    Où règne un printemps précoce

    Je chante encore ma chanson pour te bercer,

    Cette chanson pour t’endormir

    Je chanterai encore mille ans durant

    Mille ans encore, rien que pour te bercer.

     

    ***

    Avec la toujours belle voix de Hông Nhung (accompagnement très moyen) et celle de Hoài Nam


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    LE  MANTEAU  EN  DUVET  DE  CYGNE

     

    ( ou « La Légende de l’Arbalète Surnaturelle »)

     

    Kitty

     

     

     

     

    Il y a plus de 2000 ans, quand le Viet-Nam était encore appelé Âu-Lac, des pirates venant du Nord avaient l’habitude d’envahir notre pays, de détruire nos rizières, de mettre le feu à nos cabanes, de tuer les gens, d’emporter leur butin, notre bétail, et d’emmener avec eux les belles femmes.

     

    Le roi de Âu-Lac à cet époque, An-Duong-Vuong, pour protéger notre pays contre ces pirates. ordonna qu’un rempart soit érigé à la frontière nord du pays. Mais aussitôt que le rempart fut terminé, une grosse tempête se déclencha pendant la nuit avec de fortes pluies, et le réduisit en poussière.

     

    Trois fois An-Duong-Vuong fit reconstruire le rempart, trois fois le rempart fut détruit de la même façon.

     

    A la fin, un conseil des ministres fut réuni, et un de ces ministres, plus au fait des problèmes que les autres, se leva et se prosterna devant le Roi:

     

    « Que Le fils des Cieux veuille bien écouter mon humble opinion,» dit-il. « Puisque le rempart a été détruit à chaque fois de la mêm façon, cela devrait signifier que les Dieux sont fâchés contre nous.  Essayons de les calmer par des offrandes et de faire des sacrifices de buffles et de vaches et demandons leur aide et conseil. »

     

    Il y eut un murmure général d ‘approbation de toutes les autres personnes présentes. Un autel fut érigé tout de suite, avec des sacrifices comme proposé. Le roi lui même s’était mis à jeûn pendant trois jours de suite, et se prosternait pendant tout ce temps devant l’autel et demandait de l’aide aux Dieux.

     

    Finalement un génie apparut au Roi pendant son demi-sommeil sous la forme d’une Tortue d’Or.

     

    « Fils des Cieux, et Roi du royaume », dit la tortue avec une voix humaine, « vos prières ont été entendues par les Dieux qui sont assez miséricordieux pour m’envoyer vous aider » Puis la Tortue patiemment expliqua au roi comment il fallait ériger le rempart.  Quand il se réveilla le lendemain, le Roi se souvint clairement de ce qu’il avait apris et ordonna que le rempart soit érigé exactement comme la Tortue lui avait conseillé. Et un solide rempart fut enfin construit, il avait la forme spirale d’une coquille, et le Roi le nomma « Cô-Loa ».

     

    Puis la Tortue apparut de nouveau au Roi dans son sommeil et dit : « Ce pays est plein de rivières profondes et de montagnes imposantes, où les esprits aiment habiter. Ces esprits sont parfois malicieux et aiment jouer des tours aux êtres humains pour démontrer leur pouvoir. Pour les empêcher de vous nuire laissez-moi vous offrir une de mes griffes que vous utiliserez comme une gachette d’une arbalète, vous ferez fuir les mauvais esprits, et en plus vous pourrez tuer une armée entière dans une bataille.»

     

    Oh ! Comme le roi fut heureux et reconnaissant quand il se réveilla et trouva la griffe de la Tortue bien serrée dans sa main ! Il ordonna que soient façonnées une belle arbalète avec du plus beau bois et avec la griffe sacrée de la Tortue comme gachette, et une belle caisse en cristal pour la contenir.

     

    Maintenant, le Roi, rassuré, pouvait se réjouir de la paix et du calme sans aucun souci.

     

    A cette époque, la Chine était sous le règne du plus puissant empereur Tân-Thuy-Hoàng, le constructeur de la fameuse « Grande Muraille ». Cet empereur envoyait une rivière d’hommes et de chevaux, déferlant vers le sud de la Chine pour conquérir le royaume Âu-Lac. Mais cette puissante armée fut entièrement réduite en un rien de temps par l’arbalète surnaturelle avant qu’elle n’atteignisse Cô-Loa.

     

    Quelques années plus tard, l’empereur Tân-Thuy-Hoàng envoya de nouveau une autre armée de plus de 500,000 hommes, cette fois-ci il la mit sous le commandement du grand et fameux genéral Triêu-Dà. Serpentant vers les vallées, ces soldats arrivèrent des trois côtés, à cheval, à pied, en bateaux, avec des drapeaux flottant dans le vent, des forêts d’armes s’entrechoquant et des officiers aux expressions féroces, chevauchant en avant sur leur chevaux écumants.

     

    Le roi An-Duong-Vuong les regarda venir calmement depuis sa fenêtre. Quand les trois colonnes de soldats ennemis se rejoignirent  et se déversèrent comme des essaims de fourmis, près du rempart de Cô-Loa, le Roi prit l’arbalète, visa son tir sur les multitudes de soldats chinois. Twang ! Et instantanément des milliers de soldats ennemis tombèrent au sol raide mort. Le roi tira encore deux fois, et des milliers d’autres tombèrent.  Le reste de l’armée chinoise s’enfuit dans un désordre total, tandis que leurs chevaux, terrifiés, piétinèrent et tuèrent encore des milliers d’autres soldats.

     

    Triêu-Dà avait tellement honte et tellement peur qu’il n’osa pas retourner au pays pour rendre des comptes au roi Tân.  Il se retira au Nord de la frontière de Âu-Lac, et pretendit vouloir faire la paix avec le roi An-Duong-Vuong. Pour faire preuve de sa soi-disant bonne volonté, il envoya son fils Trong-Thuy à la cour d’Âu-Lac comme otage. Le roi d’Âu-Lac accepta tout ceci en toute bonne foi et fut assez généreux pour étendre son amitié à l’égard du jeune homme en lui donnant la main de sa fille, la Princesse My-Châu, en mariage. Pendant un temps, les jeunes mariés vivaient un bonheur parfait. La jeune princesse était la beauté et le charme mêmes, et Trong-Thuy tout simplement l’adorait.  Cependant, au fond de son cœur il n’avait jamais oublié la défaite humiliante de son père, et secrètement jurait en lui même d’aider son père à conquérir Âu-Lac un jour.

     

    Il cajolait sa jeune et innocente femme, sans cesse la persuadait de lui faire voir la miraculeuse arbelette, jusqu’à ce qu’elle lui cédât. Puis il vola la griffe sacrée et secrètement la remplaca par une fausse.

     

    Un jour il obtint la permission d’An-Duong-Vuong de retourner dans son pays pour rendre visite à son père Triêu-Dà. La Princesse My-Châu, affolée de la decision de son mari, se jeta à ses pieds en pleurant:

     

    « Je vous en prie, mon Seigneur, » implora-t-elle, « cette malheureuse personne devrait-elle  rester seule durant des mois, et peut être des années ?  Il y a beaucoup de hautes montagnes et de profondes vallées qui séparent nos deux pays et qui sait ce qui pourrait arriver à mon Seigneur pendant ce long et dangereux voyage ? Comment pourrait-elle retenir ses larmes devant la perspective d’une si longue séparation ? Hélas !  Le Berger et la Princesse dans le royaume des Cieux pouvaient encore se voir sur la Rivière d’argent (la voie lactée) une fois par an, mais pourrions-nous nous voir de nouveau ? »  Et la princess pleura de plus belle.

     

    « Est-ce que ces pleurs conviennent à la plus belle Princess du royaume, fille du Dragon ? » Trong-Thuy lui répondit, essayant de la calmer.  « Bien sûr, votre indigne serviteur va revenir à vous et puis nous serons réunis de nouveau et vivrons ensemble aussi heureux qu’avant ».

     

    Mais la Princesse continuait à pleurer, car elle préssentait un grand malheur. 

     

    « Que La Belle princesse, Fille du Dragon, daigne se souvenir que je vous ai offert cet hiver un manteau en duvet de cygne », dit Trong-Thuy. « Si jamais la guerre éclate entre nos deux pays pendant que votre indigne serviteur est absent, arrachez les duvets de cygne et semez les sur votre route pour que je puisse suivre votre trace et vous retrouver.»

     

    La séparation fut déchirante, et après encore énormément de larmes, et de serments répétés d’amour et de dévotion, Trong-Thuy partit avec une douleur poignante dans son cœur, car il aimait la Princesse, et devait la trahir de façon ignoble pour son père et pour son pays.

     

    Quand Triêu-Dà obtint la griffe sacrée, il fut fou de joie. Sans plus attendre, il conduisit une puissante armée vers Âu-Lac.  Le soleil scintillait sur les lances et éperons bien lustrés des soldats chinois. Leurs drapeaux multicolores flottaient dans le vent. L’armée se frayait un chemin hors du territoire de Tân comme un gigantesque serpent. Les battements des tambours de guerre réverbérèrent à distance comme les grondements de la foudre. An-Duong-Vuong et sa fille etaient entrain de jouer aux échecs ensemble, quand le gardien de la tour de contrôle arriva en coup de vent et se jeta par terre à leurs pieds, haletant:

     

    « Fils des Cieux et Fille du Dragon, les ennemis arrivent ! »

     

    « Qu’ils arrivent ! » dit le Roi, éclatant de rire à la pensée de ces hommes braves mais fous qui allèrent à leur mort certaine. « N’aie pas peur, ma fille bien aimée, l’arbalète sacrée va encore une fois faire ses miracles. »

     

    Mais, malgré plusieurs flèches tirées, les ennemis continuèrent à déferler comme un raz-de-marée dévastateur.  Comme les grondements des troupes sonnèrent de plus en plus près, le Roi prit peur, il sauta sur son cheval, mit sa fille derrière lui, et ainsi ils s’enfuirent hors de la capitale, vers le sud.

     

    Traversant plusieurs champs, marais et forêts, ils chevauchèrent, et chevauchèrent. Mais chaque fois que le Roi ralentissait le galop pour reprendre le souffle, il entendait le bruit des ennemis qui le poursuivaient, alors il forçait encore son cheval de plus belle. C’était bien sûr, le bruit du galop de Trong-Thuy qui essayait de suivre la trace des duvets de cygne semés par la  Princesse My-Châu.

     

    En avant galopa le cheval, emportant le père et la fille encore toujours plus loin, jusqu’au moment où ils arrivèrent au bord de la mer. Pas l’ombre d’un bateau à l’horizon.  Où pourraient ils aller maintenant ? Le roi leva la tête et implora le ciel dans un désespoir absolu :

     

    « Oh, Dieux ! M’avez-vous donc tous abandonné ? Et vous, Tortue d’Or, Où êtes vous ? Je vous en prie, venez à mon secours ! »

     

    Hors des profondeurs de l’océan, la Tortue d’Or apparut et dit :

     

    « Méfiez-vous de l’ennemie qui est derrière vous ».

     

    Le roi se retourna et ne vit personne d’autre que sa fille. Le Roi sortit son épée, l’enfonçat en plein cœur de sa fille, lui coupa ensuite la tête qui roula au sol et qui resta entre les nombreux galets balayés par les vagues. Puis le Roi calmement suivit la Tortue et entra dans l’océan.

     

    Quand Trong-Thuy arriva et trouva le corps de la Princesse, il pleura amèrement, emporta le corps de sa femme à la capitale pour l’enterrer.  Puis ne pouvant plus supporter sa grande misère, il se suicida en se jetant dans le puits, pourque son âme puisse aller dans l’autre monde avec sa bien-aimée car il l’aimait profondément.

     

    Le sang de la Princesse balayé par les vagues de la mer était absorbé par les nombreuses huîtres, qui, depuis ce temps produisirent de magnifiques perles. La légende voulait que ces perles deviennent encore plus brillantes si on les lavait dans l’eau du puits où Trong-Thuy s’était noyé lui même.

     

    Maintenant, nous pouvons encore voir un petit autel érigé près de la place où My-Châu était morte. Et après plus de 2000 ans, les gens vénèrent encore la mémoire du Roi An-Duong-Vuong à Cô-Loa, dans le Nord du Viêt-Nam.

     

     

    ***

     

    (D'autres légendes en page 2)


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    Le Sang est plus épais que l'eau

     

    (ou « La dévotion d’un frère »)

     

    Kitty

     

     

    Il était une fois, un homme qui était mort sans avoir fait de testament. Son fils aîné, Hai, s’empara de tous les biens de la famille, ne laissant à son frère cadet, Ba, qu’une misérable chaumière et une petite parcelle de terrain aride, incultivable.

     

    Ba passait presque tout son temps à labourer et travailler dur pour son frère aîné, et en retour celui-ci lui prêtait de temps en temps sa charrue et ses buffles pour labourer son petit morceau de terrain aride. Ainsi, les champs du frère aîné étaient de plus en plus verdoyants, tandis que le jeune frère vivait dans la mísère et mourait presque de faim, car son terrain aride ne produisait presque rien.

     

    Si le grand frère était injuste envers le jeune frère, il était, au contraire, très généreux envers ses propres amis. Il allait jusqu’à sortir de son chemin pour aller au devant de leurs désirs.

     

    Mais il se trouvait que Hai avait une femme qui avait un bon cœur, et qui n’approuvait pas du tout l’attitude de son mari.

     

    « Mon cher mari, » lui dit-elle « pourquoi êtes-vous plus gentil avec vos amis qu’avec votre propre frère ? Ne trouvez-vous pas que votre jeune frère mérite plus d’aide et de soutien ? »

     

    « Il est assez grand pour s’occuper de lui même » repondit son mari. « Et puis, si on l’aide, il ne pourra jamais être autonome, il va vivre aux dépens de nous, et ne saura jamais se débrouiller tout seul. Et en plus… », il ajouta, « mes amis sont des gens excellents qui me sont entièrement dévoués, et j’aime leur rendre la civilité et la générosité qu’ils ont témoignées à mon égard. »

     

    « Cependant, les frères sont du même sang » lui répondit sa femme doucement, « et ‘le sang est toujours plus épais que l’eau’, comme dit le proverbe. Je suis tout à fait convaincue qu’en cas d’urgence, vous trouverez chez votre propre frère dévotion, amour et de l’aide, alors que vos amis vous fuiront, ou même vous trahiront ».

     

    Mais Hai ne prêta pas d’importance aux arguments de sa femme, qu’il trouva complètement erronés.

     

    Un jour, Hai arriva à la maison et trouva sa femme en pleurs.

     

    « Que s’est-il passé ? » demanda Hai, affolé.

     

    « Hélas! Un grand malheur nous est tombé sur la tête », lui répondit sa femme dans un sanglot. « Pendant que vous étiez absent, un mendiant était venu voler les quelques vêtements que je faisais sécher sur la haie. J’ai couru après lui avec un baton en bambou, et je l’ai frappé. Il est tombé et sa tête a cogné sur un dur rocher, il est mort sur le coup. Je l’ai enroulé dans une natte, là-bas. Et maintenant je ne sais plus quoi faire. »

     

    Hai frissonait de peur. Sa femme ajouta :

     

    « Est-ce vrai que le magistrat est un de vos amis intimes ? Est-ce qu’il va croire que ce n’était qu’un simple accident ? et c’était bien un accident. S’il ne nous croit pas, nous serons jetés en prison, et complètement ruinés. Comme personne ne sais rien encore de cet accident, pourriez vous demander à un de vos amis de nous aider à l’enterrer dans le plus grand secret ? Vous avez été très généreux avec vos amis, sûrement ils ne vous trahiront pas. »

     

    Rassuré, Hai sortit rapidement de chez lui pour aller chercher de l’aide.  Il alla chez un des ses plus chers amis, frappa à la porte et fut reçu chaleureusement. Mais quand il eut raconté l’accident et lui demanda de l’aider, l’ami demanda à Hai de demander à un autre ami, expliquant que sa femme était absente, et qu’il devait rester à la maison pour veiller sur ses enfants.

     

    Hai alla chez un autre ami à lui.  L’ami le reçut cordialement, couvrit la table avec une nappe, et lui offrit une tasse de thé chaud, montrant de toute évidence que Hai était un invité bien apprécié.  Le cœur de Hai se remplit d’espoir, et Hai commença à relater l’incident. L’ami se montra de plus en plus mal à l’aise, et dit qu’il était lui même vieux et malade, et qu’il ne pouuvait pas manipuler de lourdes charges.  « Ne pourriez vous pas demander à un autre ami ? » lui dit enfin l’ami de Hai.

     

    Hai courut chez un autre ami, et trouva celui particulièrement ravi de le recevoir. « Que puis-je faire pour vous, frère ? » dit l’ami.  « Vous semblez très agité, je ferais n’importe quoi pour vous soulager. Dites moi de sauter dans le feu pour vous, et je le ferai sans hésitation, car vous savez bien que ma vie est à vous. »

     

    Hai laissa échapper un soupir de soulagement, pensant que son malheur allait se terminer ici, et qu’enfin il avait trouvé le vrai ami qu’il cherchait.  Mais quand Hai eut terminé son histoire et lui demanda de l’aide, l’ami se souvint soudain que sa mère était atteinte d’une maladie bizarre, et qu’il ne pouvait pas la laisser seule dans cet état. Mais qu’il sympathisait entièrement avec Hai, et qu’il aimerait du fond du cœur pouvoir l’aider.

     

    Hai frappa en vain aux autres portes. A la fin, complètement épuisé, il traina ses jambes jusqu’à la maison, moitié mort de peur et de désespoir. Mais sa femme lui  prépara un breuvage qui l’aida à reprendre un peu de force.  Elle lui dit « Il se fait déjà tard. Allez chez votre frère, et demandez-lui de venir nous aider. Dépêchez vous, nous n’avons plus beaucoup de temps. »

     

    Ba se montra lui même un frère très dévoué, et plein de tendresse, Il vint tout de suite aider son grand frère à enterrer le mendiant, et fit tout son possible pour lui remonter le moral.

     

    Mais quand les deux frères revinrent à la maison au petit matin, que virent-ils ? La maison était remplie d’amis de Hai qui avaient demandé au Magistrat de venir pour le punir.  Chacun pointait un doigt accusateur sur Hai et relatait des preuves alarmantes.  Le Magistrat dit d’une voix solennelle :

     

    « Vous avez commis un meurtre, et en plus, vous avez essayé de demander à ces hommes de devenir vos complices. Heureusement qu’ils sont des gens honnêtes, et qu’ils n’écoutent que leur conscience.  Amenez nous tout de suite à l’endroit où vous avez enterré le mendiant et que justice soit faite. »

     

    Ceci fut exécuté tout de suite.

     

     

    Mais la surprise fut grande quand, à la place du mendiant, ils trouvèrent simplement le corps d’un grand chien.

     

    La femme de Hai se prosterna par terre devant le juge, et dit :

     

    « Je savais que mon mari aimait ses amis beaucoup plus que son propre frère, j’ai longtemps cherché un moyen pour lui faire voir la raison. Hier, mon chien est mort, et tout de suite j’ai concocté mon histoire pour aider mon mari à connaitre qui sont ses vrais amis. Et voilà le résultat. Oh, Illustre et Vertueux Magistrat ! »

     

    On pourrait imaginer le soulagement de Hai qui se jeta dans les bras de son frère et qui pleurait de joie et d’émotion, tandis que ses amis, restaient debout là, abasourdis et déconfits.  Comment pourront-ils regarder Hai en face de nouveau, personne ne pourrait imaginer.

     

    ***

     

     

     

     

     

     

     


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    Truong-Chi  & My-Nuong 

         (ou « La légende du Cristal d’Amour »)       

    Kitty

     

     

    Il était une fois une belle jeune fille qui vivait dans la chambre à l’ouest d’un château au toit pointu au milieu d’un large jardin de saules pleureurs. Elle s’appelait My-Nuong, la fille adorée d’un riche mandarin.

     

    Elle était belle, mince. Sa complexion était délicate, et derrière de long cils sombres étincelaient deux grands yeux noirs. Elle était tellement belle et charmante que chaque fois qu’elle se montrait à sa fenêtre en forme de lune, le soleil venait éclairer son visage, la brise lui apportait les plus agréables parfums des fleurs, les gouttes de rosée scintillaient dans l’herbe pour lui faire plaisir, et les oiseaux lui chantaient en choeur leurs plus belles chansons. Autour d’elle il y avait plusieurs demoiselles d’honneur et de jeunes servantes pour la servir et lui tenir compagnie.  Ses parents l’adoraient énormément et ne lui refusaient rien qui pourrait la rendre heureuse et gaie.

     

    Cependant, la belle My-Nuong n’était pas heureuse, elle était atteinte du mal d’amour.

     

    Jour et nuit elle rêvait d’un mystérieux étranger qui avait l’habitude, à la tombée du jour, de promener sa petite barque sur la rivière, là bas, au delà du jardin, en  chantant des chansons. Et qu’elles étaient belles, ses chansons ! Il chantait comme s’ il connaissait les plus belles mélodies de la terre. Il semblait avoir saisi le doux murmure des vents, le clapotis des ruisseaux, les joyeuses notes des oiseaux, et les mettre dans ses chansons. Il chantait la gloire des rayons du soleil, la beauté et la fraicheur des jeunes bourgeons, la verdure des rizières, et le doux parfum des fleurs. Il s’émerveillait devant le changement incessant de la nature, les diverses nuances de l’arc-en-ciel, la pureté virginale des nuages, l’insondable voûte du ciel, aussi bien que la clarté et la plendeur de la lune et des étoiles.  Il chantait son amour de vivre, son amour pour la nature et l’humanité, et quand il exprimait sa gratitude au ciel pour ces merveilles sa voix était tellement douce et éthérée qu’aucune autre voix humaine ne pourrait lui être comparée.

     

    My-Nuong languissait de le rencontrer, et en était très maheureuse, car, comme toutes les autres jeunes ladies de son temps, elle vivait en isolement et n’était pas autorisée à voir des hommes, sauf ceux de sa famille.

     

    Comme elle devenait de plus en plus triste, le soleil lui disait :  « Réjouissez-vous, ma douce lady, et soyez heureuse, car la vie et la jeunesse sont des bénédictions de la nature ». Mais se réjouir, elle ne le pouvait pas. Elle se désintéressait de la nourriture, des beaux bijoux que sa mère lui donnait. 

     

    Parfois, la lune, sa meilleure amie, se montrait à travers les feuilles de bambou lui souriait et lui disait : « Quelle belle jeune lady vous faites ! Ne soyez plus triste, et  faites moi un sourire ! »

     

    Mais sourire, elle ne pouvait pas, et elle se sentait plus misérable que jamais.

     

    « Oh ! Si seulement le mystérieux étranger était là », soupirait-elle, « Je pourrais voir son beau visage et ses manières d’homme – car il devrait être un noble prince et un illustre lettré. Et puis il s’émerveillerait devant ma beauté, et tomberait amoureux de moi. Il choisirait les plus belles chansons pour exprimer son amour pour moi, et chanter mon charme.  Et quand il me regarderait droit dans les yeux, je pencherais ma tête modestement, exactement comme font les autres jeunes ladies ! » …

     

    Elle ne prenait plus de plaisir à comtempler les rayons du soleil, ni à écouter les oiseaux, ou sentir le doux parfum des fleurs.

     

    Le soir, quand la nature se baignait dans la clarté de lune, le mystérieux étranger promenait sa barque sur la rivière argentée, chantant ses chansons d’amour et de bonheur. Et alors, comme la belle My-Nuong se sentait misérable.

     

    « Oh ! Si seulement je pouvais contempler son visage pendant un moment, et écouter ses chansons de plus près ! » pensait la belle lady.  « C’est la seule chose dans ce monde que je désire ! »

     

    Et elle devenait de plus en plus faible et tombait sérieusement malade.

     

    Quand ses parents voyaient que ses larges yeux devenaient de plus en plus tristes sur son visage pale, ils frissonnaient de peur. Les medecins étaient vite appelés à son chevet, mais plus elle prenait de médicaments, plus son état devenait grave.

     

    Quelle pouvait donc être cette maladie ? Peut-être, quelques puissants Esprits, jaloux de sa beauté, projetaient-ils de l’arracher de ce monde.  Ses parents aimeraient bien le savoir, ainsi ils rassemblaient ses demoiselles de compagnie et servantes pour leur demander si celles-ci savaient quelque chose concernant l’origine de sa maladie.

     

    Elles ne savaient rien, sauf la plus jeune et la plus intelligente de toutes. Elle regarda par la fenêtre, l’air pensif, contempla la rivière couler paisiblement au loin, puis fit signe de la tête et dit : «  Oui, je crois que je sais.  Notre jeune lady était si joyeuse et insouciante trois lunes avant, mais elle est devenue pensive et triste depuis qu’un certain étranger est arrivé. Il chante chaque soir de belles chansons en promenant sa barque sur la rivière ... là bas.  Ses chansons sont douces, très douces, je vous assure. »

     

    Le mandarin dit « Que l’étranger soit amené ici, et qu’il se marie avec ma fille adorée, si c’est son désir. »

     

    Puis il envoya deux serviteurs chercher l’étranger, un très pauvre pêcheur du nom de Truong-Chi qui vivait dans une misérable chaumière à la sortie de la ville. Truong-Chi fut conduit dans une chambre richement décorée qui se trouvait à l’ouest du Château. Il y avait des canapés en soie, des chaises et des tables artistiquement sculptées, de grands vases en porcelaine ornés de dragons sur les couvercles, et d’autres bibelots en or et en jade.  Il ne savait pas dans la chambre de qui il se trouvait.  Il réalisait seulement que de toute sa vie de dur labeur il n’avait jamais vu d’aussi magnifiques choses.  Mais la plus belle de toutes ces merveilles était la jeune lady qui ressemblait à une fée et qui était étendue sur le lit au milieu de ses couvertures de soie et de velours.  Elle était aussi belle et délicate qu’une fleur.  Dès l’instant où leurs yeux se croisèrent, il sentit qu’il était désespérément amoureux d’elle.

     

    « Comme elle est belle ! » pensa Truong-Chi.  « Elle est adorable au delà de toute imagination.  Suis-je éveillé ou suis-je en train de rêver ? Est-elle réelle, ou est-elle une fée, une immortelle ? Oh, comme j’aimerais qu’elle me fasse un sourire.  Puis, je pourrais chanter des chansons d’amour pour elle, des plus belles chansons que j’aie jamais encore composées. Et puis – oui, et puis peut-être quelque chose pourrait se produire , sinon pourquoi suis-je amené ici. ? Peut-être quelque chose encore plus excitant, plus splendide va se produire    comme un mariage par exemple.  Oh ! je souhaite que je puisse arrêter cette vibration de mon cœur. Je ne sais pas ce qui provoque cette douleur dans mon cœur. »

     

    Mais My-Nuong, voyant son visage simple et ses haillons, se souvint de l’image d’un prince charmant qu’elle se faisait de lui, fut prise d’un fou rire.  Et avec ce rire,  elle fut guérie de son mal d’amour.

     

    Truong-Chi, au contraire, devenait très triste et mélancolique quand on le ramena chez lui.  

     

    « Chante la gloire de ta jeunesse et la profondeur de ton amour » lui dit le rayon de soleil.

     

    Mais, chanter, il ne pouvait plus.  Il devenait de plus en plus triste. Il délaissait son travail et ses activités de tous les jours, et devenait de plus en plus faible jusqu’à l’évanouissement. Jour après jour, il gisait là, dans sa pauvre chaumière, pensant et s’abandonnant au désépoir. Il souhaitait revoir My-Nuong pour lui dire combien il l’adorait, mais il savait que cela était impossible. La douleur dans son cœur se faisait de plus en plus poignante.  Il savait qu’il ne pourrait plus jamais la revoir dans cette vie, ni les saules pleureurs ni les fleurs dans son jardin, et peut-être  pas même le soleil.

     

    Truong-Chi soupira « C’était si agréable quand j’étais libre et heureux, chantant et me réjouissant de la vie.  Maintenant, tout cela est du passé.  Cependant, je suis le plus chanceux des mortels, car j’ai vu la plus magnifique créature que la terre ait pu porter. Et je vais emporter avec moi, dans ma tombe, l’image de ma première et dernière rencontre avec elle, quand je mourrai. »

     

    Un matin, on le trouva mort dans sa misérable chaumière.

     

    On l’enterra à proximité. La rosée pleurait sur sa tombe. Le vent attristé de son destin, murmurait son histoire d’amour aux fleurs, et les arbres inclinaient leurs têtes par chagrin en laissant échapper des soupirs.

     

    Des années passèrent.

     

    Un jour, on déterra sa tombe, pour déplacer ses cendres.  Tous ceux qui étaient présents virent à la place de son cœur un superbe cristal d’une pureté et d’une beauté incomparable. Son cœur s’était tout simplement cristalisé en pierre. Connaissant sa triste histoire d’amour, ils le prirent, le portèrent au Château et le présentèrent au mandarin.  Celui-ci le fit tailler en une superbe tasse de thé, qui présentait une curieuse caractéristique. Chaque fois que du thé y était versé, l’image de Truong-Chi apparaissait au fond du liquide ambré.

     

    Quand My-Nuong vit le visage de Truong-Chi au fond de sa tasse, des souvenirs du passé resurgirent à flots.  Elle se souvint de la triste histoire    l’histoire d’un amour sans retour.  C’était elle qui se languissait de lui, et l‘avait fait amener devant elle, et c’était elle qui l’avait envoyé à sa mort. Une larme de regret roula sur sa joue et tomba dans la tasse, qui soudain,  disparut.

     

    On pensait que même une larme de la part de sa bien aimée, était suffisant pour calmer l’âme agitée de Truong-Chi, car maintenant que la « dette d’amour » était payée, le « Cristal d’Amour » n’avait plus aucune raison d’exister.

     

     

    *** 

     

     

     

     


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